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Entraide judiciaire

 

L’entraide judiciaire en matière pénale est un processus par lequel les États demandent et fournissent une assistance à d’autres États pour la signification d’un acte judiciaire et la collecte de preuves destinées à être utilisées dans des affaires pénales.

L'outil traditionnel d'entraide judiciaire est la commission rogatoire qui est une demande formelle de l'autorité judiciaire d'un État à une autorité judiciaire d'un autre État, dans laquelle l'autorité judiciaire requise est invitée à accomplir une ou plusieurs actions spécifiées, généralement la collecte de preuves et l’audition de témoins, au nom de l'autorité judiciaire requérante. Ces demandes sont traditionnellement transmises par voie diplomatique. Une fois que le procureur a préparé une demande, celle-ci est authentifiée par le tribunal national compétent de l'État requérant et délivrée par le ministère des Affaires étrangères de cet État à l'ambassade de l'État requis (Funk, 2014 ; Efrat et Newman, 2017). L'ambassade transmet la demande aux autorités judiciaires compétentes de l'État requis. Une fois la demande complétée, la séquence est inversée.

Les traités formels ont créé une base plus solide pour la coopération internationale. La procédure des commissions rogatoires est plus longue et plus imprévisible que celle des traités d’entraide judiciaire. Cela s’explique en grande partie par le fait que l’exécution des commissions rogatoires est une question de courtoisie entre les tribunaux, et non pas fondée sur un traité. Pour ces raisons, les procureurs considèrent généralement les commissions rogatoires comme une option de dernier recours pour accéder à des preuves à l’étranger, à n’exercer que lorsque les traités d’entraide judiciaire ne sont pas disponibles.

Les traités bilatéraux (entre deux pays) peuvent être négociés entre les États avec un degré de certitude plus élevé concernant les obligations et les attentes des deux parties. Mais la négociation, la rédaction et la conclusion de traités bilatéraux peuvent être coûteuses et demander beaucoup de temps et de ressources, et il n’est pas possible de conclure un traité bilatéral avec tous les pays du monde. La mondialisation de lacriminalité, telle que reflétée dans la Convention contre la criminalité organisée, exige des États qu’ils disposent d’une méthode de coopération internationale avec les parties de la même région (instruments régionaux) et de différentes régions du monde (instruments internationaux).

Instruments régionaux de coopération en matière de criminalité en Afrique

Instruments adoptés par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) :

  • Convention de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest relative à l’entraide judiciaire en matière pénale (1992)
  • Convention d’extradition du 6 août 1994

Instruments adoptés par l’Union économique et monétaire Ouest Africaine (UEMOA) :

  • Directive n°07/2002/CM/UEMOA relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, 2002
  • Règlement n°14/2002//CM/UEMOA du 19 septembre 2002 relatif au gel des fonds et autres ressources financières dans le cadre de la lutte contre le financement du terrorisme dans les États membres de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine
  • Directive n° 02/2015/CM/UEMOA relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme dans les pays membres de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine.

Autres instruments :

  • Convention générale de coopération en matière de justice signée le 12 septembre 1961 à Tananarive
  • Accord multilatéral de coopération régionale de lutte contre la traite des personnes en particulier des femmes et des enfants en Afrique de l’Ouest et du Centre du 6 juillet 2006

Instruments adoptés en Afrique centrale :

  • Accord d'extradition entre les États membres de la CEMAC adopté le 28 janvier 2004 à Brazzaville
  • Accord de coopération entre la CEMAC et l'OIPC-INTERPOL du 26 mars 2001
  • Règlement n° 4/CEMAC-069-CM-04 du 21 juillet 2000 portant adoption de l'accord de coopération en matière de police criminelle entre les États de l'Afrique centrale

L'harmonisation des cadres juridiques aux niveaux national et international est cruciale. La mise en place de procédures et de législations similaires rend la coopération plus facile et plus rapide. Les traités multilatéraux et régionaux servent cet objectif. Dans la Convention contre la criminalité organisée, l’article 18 est consacré à l’entraide judiciaire et le texte se compose de 30 paragraphes, soit l’article le plus long de toute la Convention. Ce niveau d'attention montre l'importance de l'harmonisation des procédures juridiques.

Article 18. Entraide judiciaire

1. Les États Parties s’accordent mutuellement l’entraide judiciaire la plus large possible lors des enquêtes, poursuites et procédures judiciaires concernant les infractions visées par la présente Convention, comme prévu à l’article 3, et s’accordent réciproquement une entraide similaire lorsque l’État Partie requérant a des motifs raisonnables de soupçonner que l’infraction visée à l’alinéa a ou b du paragraphe 1 de l’article 3 est de nature transnationale, y compris quand les victimes, les témoins, le produit, les instruments ou les éléments de preuve de ces infractions se trouvent dans l’État Partie requis et qu’un groupe criminel organisé y est impliqué.

2. L’entraide judiciaire la plus large possible est accordée, autant que les lois, traités, accords et arrangements pertinents de l’État Partie requis le permettent, lors des enquêtes, poursuites et procédures judiciaires concernant des infractions dont une personne morale peut être tenue responsable dans l’État Partie requérant, conformément à l’article 10 de la présente Convention.

3. L’entraide judiciaire qui est accordée en application du présent article peut être demandée aux fins suivantes:

a) Recueillir des témoignages ou des dépositions ;

b) Signifier des actes judiciaires ;

c) Effectuer des perquisitions et des saisies, ainsi que des gels ;

d) Examiner des objets et visiter des lieux ;

e) Fournir des informations, des pièces à conviction et des estimations d’experts ;

f) Fournir des originaux ou des copies certifiées conformes de documents et dossiers pertinents, y compris des documents administratifs, bancaires, financiers ou commerciaux et des documents de sociétés ;

g) Identifier ou localiser des produits du crime, des biens, des instruments ou d’autres choses afin de recueillir des éléments de preuve ;

h) Faciliter la comparution volontaire de personnes dans l’État Partie requérant ;

i) Fournir tout autre type d’assistance compatible avec le droit interne de l’État Partie requis.

Cetarticle s'appuie sur un certain nombre d'initiatives mondiales et régionales antérieures (Dandurand, 2007). Il appelle les États parties à s'accorder mutuellement l'entraide judiciaire la plus large possible dans les enquêtes, les poursuites et les procédures judiciaires. Les infractions pour lesquelles l’entraide devrait être accordée comprennent les « infractions graves » transnationales impliquant un groupe criminel organisé, les infractions établies en vertu de la Convention contre la criminalité organisée (participation à un groupe criminel organisé, blanchiment d’argent, corruption et entrave au bon fonctionnement de la justice) et les infractions établies en vertu de tout protocole y afférent auquel les États sont parties.

La Convention contre la criminalité organisée oblige également les États parties à ce qu’ils « s’accordent réciproquement une entraide similaire » lorsque l’État requérant a « des motifs raisonnables de soupçonner » qu’une ou plusieurs de ces infractions sont de nature transnationale. Cette nature transnationale comprend les affaires dans lesquelles des victimes, des témoins, des produits, des instruments ou des preuves de telles infractions sont situés dans l’État requis et lorsque les infractions impliquent un groupe criminel organisé.

Comme indiqué dans la Convention contre la criminalité organisée, une entraide judiciaire peut être demandée pour :

  • Recueillir des témoignages ou des dépositions ;
  • Signifier des actes judiciaires ;
  • Effectuer des perquisitions et des saisies, ainsi que des gels ;
  • Examiner des objets et des lieux ;
  • Fournir des informations, des preuves et des estimations d’experts, des documents et des dossiers ;
  • Fournir des originaux ou des copies certifiées conformes de documents et dossiers pertinents, y compris des documents administratifs, bancaires, financiers ou commerciaux et des documents de sociétés ;
  • Identifier ou localiser des produits du crime, des biens ou des instruments à des fins de preuve et les saisir en vue de leur confiscation ;
  • Faciliter la comparution de témoins ;
  • Fournir tout autre type d’assistance qui n’est pas interdite par le droit interne.

La Convention contre la criminalité organisée exige également que les États parties s’accordent mutuellement l’entraide judiciaire dans toute la mesure du possible.

Cependant, les différents pays et traditions ont généralement des différences substantielles en ce qui concerne la collecte de preuves. Par exemple, dans de nombreux systèmes de droit romain, un magistrat supervise le processus, tandis que dans les systèmes de common law, les enquêteurs ont généralement des pouvoirs plus étendus. Les preuves collectées sans respecter les procédures et les formalités du pays requérant peuvent ne pas être recevables devant ses tribunaux, ce qui entrave les poursuites judiciaires. L'article 18 fournit des indications aux États sur la manière de traiter les demandes entrantes et sortantes afin de réduire le risque de problèmes de recevabilité des preuves recueillies.

Demandes pour l’entraide judiciaire en matière pénale

Article 18(15)

15. Une demande d'entraide judiciaire doit contenir les renseignements suivants :

(a) La désignation de l’autorité dont émane la demande ;

(b) L’objet et la nature de l’enquête, des poursuites ou de la procédure judiciaire auxquelles se rapporte la demande, ainsi que le nom et les fonctions de l’autorité qui en est chargée ;

(c) Un résumé des faits pertinents, sauf pour les demandes adressées aux fins de la signification d’actes judiciaires ;

(d) Une description de l’assistance requise et le détail de toute procédure particulière que l’État Partie requérant souhaite voir appliquée ;

(e) Si possible, l’identité, l’adresse et la nationalité de toute personne visée ; et

(f) Le but dans lequel le témoignage, les informations ou les mesures sont demandés.

16. L’État Partie requis peut demander un complément d’information lorsque cela apparaît nécessaire pour exécuter la demande conformément à son droit interne ou lorsque cela peut faciliter l’exécution de la demande.

De plus en plus, les traités d’entraide judiciaire exigent que les États parties désignent une autorité centrale (généralement le ministère de la Justice) à qui les demandes peuvent être envoyées, ce qui constitue une alternative aux voies diplomatiques. Les autorités judiciaires de l'État requérant peuvent alors communiquer directement avec l'autorité centrale. Aujourd'hui, les canaux directs sont de plus en plus utilisés, dans la mesure où un fonctionnaire de l'État requérant peut envoyer la demande directement au fonctionnaire compétent de l'autre État. Cette tendance démontre l’importance d’une autorité centrale nationale comme condition préalable pour rendre l’entraide judiciaire plus efficace. La Convention contre la criminalité organisée fait de sa désignation une exigence obligatoire pour assurer l’exécution ou la transmission rapide et correcte des demandes, sans préjudice toutefois du droit des États parties d’utiliser les voies diplomatiques traditionnelles (art. 18, par. 13). En outre, il est tout aussi important de doter les autorités centrales de praticiens ayant une formation juridique et ayant développé une expertise institutionnelle et une continuité dans la pratique correspondante, ainsi que d’assurer la diffusion d’informations actualisées à leur intention.

Compte tenu de l’étendue et de la diversité croissante des instruments internationaux, chacun exigeant que les États parties s’accordent mutuellement l’entraide judiciaire la plus large possible et désignent à cette fin une autorité centrale, il est également important que les États veillent à ce que leurs autorités centrales soient une entité unique afin de faciliter une plus grande cohérence de l'entraide judiciaire pour différents types d'infractions pénales et d'éliminer le risque de fragmentation des efforts dans ce domaine.

La relation entre les traités bilatéraux et multilatéraux d’entraide judiciaire internationale est traitée dans la Convention contre la criminalité organisée. Les principaux points sont résumés ci-dessous :

  • La Convention ne prévaut sur aucun traité d’entraide judiciaire déjà en vigueur entre des États. Au lieu de cela, la Convention donne aux États la possibilité d’utiliser son article 18, si cela peut faciliter la coopération.
  • La Convention s’applique aux États parties s’il n’existe pas de traité en vigueur, ce qui permet ainsi d’établir un cadre d’entraide judiciaire lors de la présentation d’une demande en vertu de la Convention.
  • La Convention contre la criminalité organisée encourage également les États parties à conclure leurs propres accords régionaux ou bilatéraux en vue de renforcer la coopération en matière de criminalité transnationale organisée sous toutes ses formes et manifestations.
 

Les outils de l'ONUDC pour faciliter l'entraide judiciaire

L’ONUDC a mis au point des outils pour faciliter la coopération internationale et relever les défis posés par les groupes criminels transnationaux organisés. Le traité type d'entraide judiciaire en matière pénale de l’ONUDC comprend des dispositions actualisées que les États peuvent utiliser comme base pour élaborer leurs propres accords bilatéraux (ONUDC, 1998). Afin de faciliter la rédaction de la législation nationale, l'ONUDC a élaboré la loi type sur l'entraide judiciaire en matière pénale (ONUDC, 2007). La loi type comprend des dispositions visant à aider les États à fournir une assistance plus efficace dans les affaires pénales ayant des implications transnationales.

En outre, l’ONUDC a mis au point l’outil d'écriture de demandes d’entraide judiciaire (MLA Tool) pour aider les praticiens de la justice pénale à rédiger rapidement des demandes d’entraide judiciaire, renforçant ainsi la coopération entre les États et accélérant les réponses à de telles demandes. Dans sa version révisée et étendue, l’outil est une application autonome basée sur le langage HTML, capable de fonctionner sur tous les périphériques. Il fournit des conseils aux praticiens à chaque étape du processus de rédaction et les aide à rédiger des demandes d'entraide judiciaire en remplissant toutes les informations pertinentes et appropriées.

Ces exemples d’outils d’assistance technique sont destinés à être utilisés par les États pour promouvoir une coopération plus efficace dans les affaires pénales ayant des implications transnationales.

 
Perspective régionale : la région des îles du Pacifique
 

Déclarations du Forum des îles du Pacifique sur la coopération en matière de détection et de répression et de sécurité

La sécurité est un principe essentiel du système du régionalisme dans le Pacifique qui guide le travail du Forum des îles du Pacifique. Au fil des ans, le Forum a adopté des déclarations visant à améliorer la coopération en matière de détection et de répression et à soutenir les initiatives de sécurité en réponse à la menace de la criminalité transnationale organisée.

En 1992, le Forum a adopté la Déclaration de Honiara sur la coopération en matière de détection et de répression. Le Forum a convenu d’une approche plus globale, intégrée et collaborative pour contrer la menace de la criminalité transnationale et a cherché à renforcer l’efficacité de la détection et de la répression dans la région.

La Déclaration de Honiara « appelle à une série de mesures procédurales et substantielles pour assurer la coopération en matière de détection et de répression, d’entraide judiciaire en matière pénale, de contrôle du blanchiment d’argent, de confiscation des avoirs et de réglementation bancaire, d’extradition, de suppression des infractions liées à la drogue, de suppression des infractions environnementales, de suppression du terrorisme, de surveillance maritime, de coopération en matière de fiscalité, d’assistance dans l’administration pénitentiaire et pour traiter les questions indigènes. D’autres domaines identifiés par le Forum après Honiara comprennent la traite des personnes, la sécurité régionale, la prolifération des armes légères, la fraude d’identité et la corruption » (Boister, 2004) Transnational crime in the Pacific. The University of South Pacific (USP).]

En 2002, le Forum a adopté la Déclaration de Nasonini sur la sécurité régionale qui a conduit à l’élaboration d’une loi type qui a aidé les pays des îles du Pacifique à adopter des législations visant à lutter contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée (par exemple, la loi de Kiribati sur les mesures de lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée de 2005).

La Déclaration d’Aitutaki de 1997 et la Déclaration de Biketawa de 2000 sont d’autres lignes directrices importantes en matière de bonne gouvernance et de coopération régionale en matière de sécurité.

Ressources

 

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