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Les finalités de l’exploitation

 

Le Protocole contre la traite des personnes fournit une liste non-exhaustive des actes inclus dans la portée du terme “exploitation”. L’Article 3(a) du Protocole stipule que “ L’exploitation comprend, au minimum, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes ”. L’absence d’une définition convenue de l’exploitation peut entraîner une marge d’interprétation discrétionnaire et, par conséquent, une divergence dans l’application au niveau national. Par conséquent, il subsiste des questions relatives à certains aspects de la définition de l’exploitation et de son application pratique.

Cet élément de l’infraction exige la preuve que l’auteur a agi avec la finalité d’exploiter la victime. Il n’est pas nécessaire que la victime ait été effectivement exploitée dans la mesure où cela était l’objectif de l’auteur de l’infraction.

 

Manque d’uniformité persistant

Lorsque le Protocole était négocié, il y a eu un fort consensus quant à diverses pratiques qui devaient être incluses dans les formes d’exploitation, comme l’exploitation sexuelle et le travail forcé. Cependant certaines formes proposées furent rejetées car elles étaient vues comme étant déjà englobées dans d’autres formes d’exploitation qui allaient être incluses ou bien parce qu' elles étaient vues comme ne relevant pas du champ d’application du Protocole. Par exemple le terme “ exploitation du travail” avait été proposé mais n’avait pas été accepté et les propositions d’inclure explicitement l’élément du profit ou du bénéfice au concept de l’exploitation avaient aussi été rejetées durant les négociations (ONUDC, 2015).

La législation et la jurisprudence nationales apportent des éclaircissements et peuvent ajouter d’autres formes d’exploitation. La liste des finalités d’exploitation établie par le Protocole contre la traite des personnes n’est pas exhaustive et peut être élargie. Le caractère non-exhaustif de la définition du Protocole se manifeste de deux façons: (i) par le biais du terme “au moins ”; et (ii) avec l’inclusion d’exemples d’exploitation qui ne sont pas autrement définies dans les lois internationales. Les États peuvent élargir cette liste en ajoutant de nouveaux concepts ou en interprétant des concepts non définis de manière à inclure certaines conduites pertinentes dans un pays ou un contexte culturel déterminé (voir les exemples de l’encadré 10). 

Il y a toutefois certaines limites pour ce qui concerne l’expansion, qui peuvent potentiellement inclure un seuil de gravité pour éviter que le concept de traite ne s’étende à des formes d’exploitation moins graves comme les infractions à la loi du travail. Il faut toutefois signaler que le Protocole n’établit pas clairement ce seuil (ONUDC, 2015).

Encadré 10

Exemples de législations nationales qui traitent expressément des formes particulières d’exploitation

  • l’exploitation inclut...le mariage forcé et le mariage à des fins d’exploitation...”, Haïti, Article 1 de la loi contre la traite de 2014.
  • Traite des femmes à des fins de procréation d’enfants ou “de donner naissance à un enfant et d’enlever le nouveau-né “, Israël, Section 337 de la loi contre la traite des êtres humains de 2005. 
  • Soumettre une personne à des tests médicaux “, Arabie saoudite, Article 2 de la Loi relative à la lutte contre les infractions de traite des personnes de 2009. 
  • l’implication forcée dans des actes terroristes “, Liban, Loi sur la répression des infractions de traite des personnes No 164 de 2011.
  • l’exploitation des enfants à des fins sexuelles, pornographiques et de mendicité”, Qatar, Article 2 de la Loi contre la traite des êtres humains No 15 of 2011.
  • toute personne qui adopteou facilite l’adoption d’un enfant à des fins de traite de personnes, commet un délit ...”, Belize, “Article 12 de la Loi contre la traite des personnes de 2013. 
  • L’exploitation devrait inclure...l’exploitation d’activités criminelles Article 2 de la Directive 2011 /36 / EU  du Conseil et du Parlement européen du 5 Avril  2011.
  • l’exploitation des enfants dans les conflits armés “ devrait être interdite, Article 10 de la Charte arabe sur les droits de l’Homme de 2004.
  • L’exploitation signifie amener une personne à fournir son travail ou ses services, par des agissements dont il est raisonnable de s’attendre, compte tenu du contexte, à ce qu’ils lui fassent croire qu’un refus de sa part mettrait en danger sa sécurité ou celle d’une personne qu’elle connaît (Code pénal du Canada, Section 279.01). seul le Canada offre cette définition autonome de l’exploitation dans sa législation. 
 

Types d’exploitation: définitions internationales juridiques existantes

Les définitions internationales juridiques existantes de l’esclavage et du travail forcé sont pertinentes pour interpréter leur contenu substantiel dans le contexte du Protocole contre la traite des personnes :

  • “le travail forcé” est défini dans la Convention de l’OIT N. 29 relative au travail forcé ou obligatoire de 1930 comme “ tout travail ou service exigé d'un individu sous la menace d'une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s'est pas offert de plein gré ”. 
  • “l’esclavage” est défini dans la Convention relative à l’esclavage de 1926 comme “ l'état ou condition d'un individu sur lequel s'exercent les attributs du droit de propriété ou certains d'entre eux ” (article 1). 
  • “les pratiques similaires à l’esclavage” sont définies dans la Convention supplémentaire relative à l’esclavage de 1956 qui inclut la servitude pour dettes “ c'est-à-dire l'état ou la condition résultant du fait qu'un débiteur s'est engagé à fournir en garantie d'une dette ses services personnels ou ceux de quelqu'un sur lequel il a autorité, si la valeur équitable ce ces services n'est pas affectée à la liquidation de la dette ou si la durée de ces services n'est pas limitée ni leur caractère défini ” (article 1).
Encadré 11

Compte rendu des négociations relatives à l’exploitation

Les Travaux Préparatoires fournissent trois notes interprétatives pertinentes pour le concept de l’exploitation: les formes d’exploitation sexuelles autrement que dans le contexte de la traite des personnes ne sont pas couvertes par le Protocole; le prélèvement d’organes des enfants pour des raisons médicales ou thérapeutiques légitimes ne peut pas constituer un élément de traite si un parent ou un tuteur a donné un consentement valide; et les références à l’esclavage ou à des pratiques similaires peuvent inclure l’adoption illégale dans certaines circonstances.

ONUDC, Le concept de l’exploitation dans le Protocole contre la traite des personnes : document de travail (2015)
 
Illustration 7 :Définition et types d’exploitation dans la législation nationale contre la traite

Note : L’illustration 7 contient seulement les formes d’exploitation explicitement incluses dans la législation nationale contre la traite; dans certains États d’autres lois peuvent être appliquées lors de certaines formes  d’exploitation énumérées ici. L’absence de références spécifiques n’est pas toujours déterminante et certaines formes d’exploitation non spécifiées peuvent être incorporées. Source: ONUDC, le concept de l’exploitation dans le Protocole contre la traite des personnes : document de travail (2015). Source : ONUDC, Le concept de l’exploitation dans le Protocole contre la traite des personnes : document de travaill (2015), p. 108.
 

Exploitation sexuelle des enfants

L’exploitation sexuelle des enfants dans les voyages et le tourisme est une autre forme d’exploitation. Il s’agit d’un phénomène dans lequel une personne voyage à l’étranger dans l’intention de se livrer à des activités sexuelles avec des enfants. 

Des mesures ont été prises au niveau local et international pour incriminer les touristes qui voyagent à l’étranger dans l’intention de se livrer à des activités sexuelles avec des enfants, dans des pays où les enfants sont vulnérables à l’exploitation sexuelle et où les protections légales sont faibles. Ces mesures incluent: (a) une coopération multilatérale, régionale et bilatéral entre les organismes chargés de l’application de la loi du pays de résidence des auteurs et ceux du pays de destination où l’infraction est commise ; et (b) l’obligation des pays d’incriminer les délits sexuels commis sur des enfants à l’étranger par leurs ressortissants au lieu de compter sur le pays de destination country pour les arrêter et les poursuivre.

L’Article 10 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants stipule :

Encadré 12

Article 10 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant

  • Les États Parties prennent toutes les mesures nécessaires pour renforcer la coopération internationale par des accords multilatéraux, régionaux et bilatéraux ayant pour objet de prévenir, identifier, poursuivre et punir les responsables d'actes liés à la vente d'enfants, à la prostitution des enfants, à la pornographie et au tourisme pédophiles, ainsi que d'enquêter sur de tels actes. Les États Parties favorisent également la coopération et la coordination internationales entre leurs autorités, les organisations non gouvernementales nationales et internationales et les organisations internationales.
  • Les États Parties encouragent la coopération internationale pour aider à la réadaptation physique et psychologique des enfants victimes, à leur réinsertion sociale et à leur rapatriement.
  • Les États Parties s'attachent à renforcer la coopération internationale pour éliminer les principaux facteurs, notamment la pauvreté et le sous-développement, qui rendent les enfants vulnérables à la vente, à la prostitution, à la pornographie et au tourisme pédophiles.
  • Les États Parties qui sont en mesure de le faire fournissent une aide financière, technique ou autre dans le cadre des programmes existants, multilatéraux, régionaux, bilatéraux ou autres.

La Loi PROTECT sur le recours aux poursuites pour mettre fin à l’exploitation des enfants de 2003 des USA est un exemple d’une loi nationale contre le tourisme sexuel.

Encadré 13

Les Etats Unis v Seljan

Dans l’affaire les Etats Unis v Seljan, John W Seljan, un homme d’affaires retraité de 85 ans a été arrêté à l’aéroport de Los Angeles d’où il se rendait aux Philippines pour avoir eu des relations sexuelles avec deux fillettes de 9 ans et 12 ans. Seljan a été condamné à 20 ans de prison.

Etats Unis d’Amérique, demandeur-intimé, v. John W. SELJAN, défendeur-appelant (2008) Cour d’appel des Etats Unis, neuvième circuit

Selon la publication, l'exploitation et le tourisme sexuel impliquant des enfants sont en augmentation- les entreprises peuvent aider à les combattre lors du Forum économique mondial en 2018, l’exploitation sexuelle des enfants dans le contexte des voyages et du tourisme augmente dans le monde entier. Toutefois cette augmentation a été notoire dans les pays d’Amérique latine. L’une des principales raisons de cette augmentation est que dans certains pays l’accès au sexe est peu compliqué et bon marché et la pauvreté des enfants est également un facteur qui y contribue. Il faut signaler que le secteur de la lutte contre la traite a cessé d’utiliser le terme “tourisme sexuel ” (voir CNN Projet liberté, 31 Août 2018).

 

Pornographie

D’une certaine façon la pornographie constitue une forme d’exploitation selon la définition de la traite des personnes. La pornographie infantile en est un exemple. Elle est définie à l’article 2(c) du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants comme “ toute représentation, par quelque moyen que ce soit, d'un enfant s'adonnant à des activités sexuelles explicites, réelles ou simulées, ou toute représentation des organes sexuels d'un enfant, à des fins principalement sexuelles ”. En outre l’Article 3 stipule :

Encadré 14

Article 3 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant

Chaque État Partie veille à ce que, au minimum, les actes et activités suivants soient pleinement couverts par son droit pénal, que ces infractions soient commises sur le plan interne ou transnational, par un individu ou de façon organisée :  (…)

(c) Le fait de produire, de distribuer, de diffuser, d'importer, d'exporter, d'offrir, de vendre ou de détenir aux fins susmentionnées, des matériels pornographiques mettant en scène des enfants, tels que définis à l'article 2.

Article 3 OHCHR Article 3 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants 

Le secteur de la lutte contre la traite a cessé d’utiliser le terme “ pornographie infantile” car il banalise le problème, stigmatise les victimes et rend difficile la sensibilisation ou un discours réfléchi. Le secteur préfère donc utiliser le terme “abus sexuel sur mineur” et “matériel pédopornographique”. Voir Ecpat International, Défense et campagnes (2016) et le groupe de travail interinstitutionnel du Luxembourg, directives de terminologie pour la protection des enfants contre l’exploitation et l’abus sexuel (2016).

D’autres exemples incluent des formes violentes, abusives et coercitives de pornographie. Voir par exemple l’encadré 15.

Encadré 15

Pornographie

Linda Boreman, alias “Linda Lovelace”

Linda a commencé une carrière florissante dans l’industrie pornographique en 1972 sous la contrainte de son mari. Elle a joué dans l’un des films les plus populaires de l’époque, mais il a été révélé plus tard qu’elle avait été forcée à apparaître dans cette production. Postérieurement Linda est devenue un défenseur du mouvement contre la pornographie et a partagé son histoire dans le monde entier. Dans la citation suivante, elle partage son expérience de la première fois où elle a participé à un tournage pornographique:

“Mon initiation…était un viol collectif commis par cinq hommes … Cela a été un tournant décisif dans ma vie. Il a menacé de tirer sur moi avec un pistolet si je ne le faisais pas. Je n’avais jamais expérimenté le sexe anal auparavant et il m’a causé une déchirure. Ils m’ont traité comme une poupée gonflable de plastique, me relevant et me déplaçant ici et là. Ils ont écarté mes jambes dans tous les sens en enfonçant « leurs choses » en moi, ils jouaient aux chaises musicales avec des parties de mon corps.je ne m’étais jamais sentie aussi effrayée, déshonorée et humiliée de toute ma vie. J’avais l’impression d’être un déchet. Je suis livrée à des actes sexuels pour la pornographie contre ma volonté pour éviter d’être tuée. La vie des membres de ma famille était menacée.”

La partie visible de l’iceberg en matière d’exploitation 5 histoires réelles de la traite sexuelle dans l’industrie de la pornographie (2018), Fight The New Drug
 

Prélèvement d’organes

Le prélèvement d’organes est explicitement mentionné comme une finalité de l’exploitation dans l’article 3 du Protocole contre la traite des personnes. Contrairement aux autres finalités de l’exploitation citées à l’article 3 du Protocole (esclavage, servitude et exploitation sexuelle), le prélèvement d’organes n’est pas une pratique relevant intrinsèquement de l’exploitation. 

L’organisation mondiale de la santé (OMS) a développé des directives qui fournissent les principes essentiels applicables à la transplantation des cellules, des tissus et des organes humains:

Encadré 16

Directives de l’OMS sur le prélèvement des organes 

  • Principe directeur 1 : Des cellules, tissus et organes peuvent être prélevés sur le corps de personnes décédées aux fins de transplantation uniquement : 
    • a) si tous les consentements prévus par la loi ont été obtenus, et 
    • b) s’il n’y a pas de raison de croire que la personne décédée s’opposait à ce prélèvement. 
  • Principe directeur 2 : Les médecins constatant le décès d’un donneur potentiel ne doivent pas participer directement au prélèvement de cellules, de tissus ou d’organes sur le corps du défunt ni aux étapes ultérieures de la transplantation, pas plus qu’ils ne doivent être chargés de soigner les receveurs potentiels de ces cellules, tissus ou organes.
  • Principe directeur 3 : Les dons d’organes prélevés sur des personnes décédées doivent être développés au maximum des possibilités thérapeutiques, mais les adultes vivants peuvent également faire don de leurs organes dans les limites autorisées par la réglementation nationale. De manière générale, il doit exister un lien génétique, ou un lien légal ou sentimental, entre le donneur vivant et le receveur. Les dons par des donneurs vivants sont acceptables si le donneur a donné en toute connaissance de cause son libre consentement, s’il bénéficie de soins professionnels ainsi que d’un suivi approprié et si les critères de sélection des donneurs sont scrupuleusement appliqués et surveillés. Les donneurs vivants doivent être informés des risques éventuels et des avantages et conséquences du don d’une manière détaillée et compréhensible ; ils ne doivent pas être juridiquement incapables et être en mesure d’apprécier l’information fournie et d’agir de leur plein gré sans être soumis à aucune influence ou coercition indue. 
  • Principe directeur 4 : Aucun organe, tissu ou cellule ne doit être prélevé sur le corps d’un mineur vivant aux fins de transplantation, en dehors des exceptions limitées autorisées par la législation nationale. Des mesures spécifiques doivent être mises en place pour protéger le mineur et, chaque fois que cela est possible, recueillir son consentement avant un don. Les dispositions applicables aux mineurs valent également pour les personnes juridiquement incapables 
  • Principe directeur 5 : Les cellules, tissus et organes ne peuvent faire l’objet que de dons gratuits, sans aucune contrepartie pécuniaire ou autre récompense ayant une valeur marchande. L’achat ou les offres d’achat de cellules, de tissus ou d’organes aux fins de transplantation, ou leur vente par des personnes vivantes ou par les proches de personnes décédées, doivent être interdits. L’interdiction de la vente ou de l’achat de cellules, de tissus ou d’organes n’empêche pas de rembourser dans des limites raisonnables les frais vérifiables encourus par le donneur, y compris les pertes de revenu, ou de régler les dépenses liées au prélèvement, au traitement, à la préservation et à la mise à disposition de cellules, de tissus ou d’organes humains aux fins de transplantation.
  • Principe directeur 6 : La promotion du don altruiste de cellules, de tissus ou d’organes humains par la publicité ou par des appels au public peut être faite dans le respect de la réglementation nationale. Toute publicité faisant état d’un besoin de cellules, de tissus ou d’organes, ou de leur disponibilité dans le but d’obtenir une rémunération, ou proposant de l’argent à des personnes en échange de leurs cellules, tissus ou organes ou à la famille de ces personnes si elles sont décédées doit être interdite. Les activités d’intermédiaire dans le cadre desquelles de l’argent est versé à de telles personnes ou à des tiers doivent également être interdites.
  • Principe directeur 7 : Les médecins et les autres professionnels de santé ne doivent participer à aucune des phases des transplantations, et les compagnies d’assurance et autres bailleurs de fonds ne doivent pas couvrir ces procédures si les cellules, tissus ou organes concernés ont été obtenus par des moyens relevant de l’exploitation ou de la coercition, ou moyennant le paiement d’une somme d’argent à un donneur vivant ou à la famille d’un donneur décédé.
  • Principe directeur 8 : Aucun professionnel de santé et aucune structure participant au prélèvement et à la transplantation de cellules, de tissus ou d’organes humains ne doivent recevoir de rémunération dépassant le montant justifié par les services rendus.
  • Principe directeur 9 :  L’attribution des organes, cellules et tissus donnés doit être dictée par des critères cliniques et des normes éthiques et non pas par des considérations financières ou autres. Les règles d’attribution, définies par des comités constitués de manière appropriée, doivent être équitables, objectivement justifiées et transparentes.
  • Principe directeur 10 : La qualité, la sécurité et l’efficacité des procédures sont essentielles, aussi bien pour les donneurs que pour les receveurs. Les résultats à long terme du don et de la transplantation de cellules, de tissus et d’organes doivent faire l’objet d’une évaluation, tant pour le donneur vivant que pour le receveur, afin de les informer sur les avantages et inconvénients. La sécurité, la fonctionnalité et la qualité des cellules, tissus et organes humains destinés à la transplantation, en tant que produits sanitaires à caractère exceptionnel, doivent être maintenues en permanence à un niveau optimal. Cela suppose la mise en place de systèmes de contrôle de la qualité, de traçabilité et de vigilance, et la notification des effets et réactions indésirables, tant sur le plan national que pour les produits humains exportés
  • Principe directeur 11 : L’organisation et l’exécution des activités de don et de transplantation ainsi que leurs résultats cliniques doivent être transparents et doivent pouvoir être contrôlés de près, tout en assurant en permanence la protection de l’anonymat et de la vie privée des donneurs comme des receveurs.

OMS, Principes directeurs sur la transplantation de cellules, de tissus et d’organes humains (2010)

Les encadrés 17 et 18 illustrent deux cas de traite à des fins de prélèvement d’organes et leur impact sur la santé physique et mentale des victimes.

Encadré 17

Prélèvement d’organes, étude de cas 1

J’habitais dans le même district que Mr. B, qui avait connaissance des difficultés auxquelles je faisais face pour alimenter ma famille. Mr. B m’a approché et m’a dit que je pouvais donner un rein en échange de 1200 Euros. Il m’a également promis deux ‘bigah’ (1/2 hectare) de terre à Chitwan. Il m’a dit que l’extraction d’un rein ne produirait aucune différence dans mon état de santé. Je l’ai cru et en Juin 2010 nous avons réalisé un long voyage pour nous rendre dans un pays voisin. Nous sommes directement à un hôpital où j’ai été admis et où je suis resté 15 jours sous contrôle médical. Le dernier jour, un de mes reins a été prélevé et j’ai été immédiatement renvoyé au Népal. Je ne savais pas qu’extraire un rein ainsi constituait  une infraction grave. Après mon retour, mon état de santé s’est rapidement détérioré. Je ne pouvais pas travailler et j’étais faible physiquement et mentalement. Mr. B ne m‘a pas donné tout ce qu’il m’avait promis, à l’exception d’une très petite somme d’argent. En Avril 2014, j’ai pris contact avec le Forum pour la protection des droits des personnes (PPR) et le PPR du Népal m’a fourni un appui en matière de traitement et de thérapie. Après quelques entretiens de conseils juridiques avec l’avocat du PPR dans mon district, un premier rapport d’incident a été déposé contre Mr. B en conformité avec la loi relative à la traite et au transport des êtres humains (Contrôle) de 2007, qui aboutit à un procès devant le tribunal de district. En Juin 2014, le tribunal de district imposa une peine de trois ans de prison à Mr. B.

Hear their voices. Act to protect (écoutez leurs voix-agissez pour protéger) – Témoignages des victimes de la traite des êtres humains dans le monde entier   (2017), GLOACT (2015-2019)
Encadré 18

Prélèvement d’organes, étude de cas 2: affaire No. 2454/2009

Le défendeur a rencontré une personne appelée Yehia qui l’a forcé à vendre son rein pour 1500 dollars. Le défendeur s’est rendu en Irak avec Yehia, qui lui a confisqué son passeport à leur arrivée,  l’a donné à un homme appelé Talal et a reçu 500 dollars en échange. Talal a ensuite emmené le défendeur à l’hôpital Al-Khayyal à Baghdad et une chirurgie a été effectuée pour lui prélever son rein gauche.  Lorsque le défendeur est retourné en Jordanie, 500 dollars avaient été déposés sur son compte bancaire. Postérieurement, Yehia s’est réuni avec le défendeur et lui a demandé d’accompagner deux hommes en Irak pour vendre leurs reins. Le défendeur a accompagné les deux hommes en Irak, les a emmenés chez Talal, et a reçu 300 dollars en échange.  Lorsque le défendeur se trouvait en Irak, les 300 dollars ont été volés. Le défendeur a été obligé de retourner en Jordanie sans argent et de laisser son passeport en Irak. Par la suite le défendeur déclara faussement avoir perdu son passeport au Centre de sécurité, et fut par conséquent référé à la Direction de lutte contre la corruption et poursuivi. Les actes qu’il avait commis, y compris le fait de vendre son rein et de convaincre trois personnes de vendre leurs reins pour 1300 dollars, étaient des actes prohibés par les Articles 10 et 4/c de la loi jordanienne relative à l’utilisation des organes humains. De plus, le fait de laisser son passeport au chauffeur est interdit par l’Article 18/b de la loi sur les passeports. Le tribunal imposa au défendeur une peine de prison d’un an pour chaque acte commis en violation des Articles 10 et 4/c de la loi relative à l’utilisation des organes humains.  Il fut également condamné à 6 mois de prison pour avoir violé l’Article 18/b de la loi sur les passeports.

SHERLOC base de données jurisprudentielles sur la traite des personnes- Jordanie
 

Servitude domestique

La servitude domestique est un type de travail qui peut être facilement exploité, et cela accroît le risque pour les personnes qui travaillent dans ce domaine de devenir des victimes de la traite. Le travail domestique est souvent invisible et sous-évalué, et est fréquemment effectué par des femmes et des jeunes filles. Les travailleurs domestiques sont souvent des migrants ou des membres de communautés défavorisées, qui peuvent être particulièrement vulnérables à la discrimination en matière de conditions d’emploi. Dans diverses juridictions, n’ont pas le même statut et ne sont pas traités de la même manière que les employés ordinaires dans d’autres secteurs d’emploi. L’OIT a adopté la Convention 189 relative à un travail décent pour les travailleurs domestiques pour régler cette situation. Elle se fonde sur le principe que le travail domestique devrait bénéficier de la même protection que toute autre forme de travail. La Convention prévoit un projet de loi comprenant dix droits pour les travailleurs domestiques.

Encadré 19

L’OIT a adopté la Convention 189 relative à un travail décent pour les travailleurs domestiques

  • la liberté d'association et la reconnaissance effective du droit de négociation collective (Article 3)
  • le droit à une protection effective contre toutes les formes d'abus, de harcèlement et de violence (Article 5)
  • le droit à l'égalité de traitement entre les travailleurs domestiques et l'ensemble des travailleurs en ce qui concerne la durée normale de travail, la compensation des heures supplémentaires, les périodes de repos journalier et hebdomadaire et les congés annuels payés (Article 10) à la sécurité sociale, y compris en ce qui concerne la maternité (Article 14), à un accès effectif aux tribunaux ou à d'autres mécanismes de règlement des différends (Article 16), et à l’égalité de genre (Article 11)
  • le droit à des mécanismes de plainte effectifs et accessibles (Article 17.1)
  • Lorsqu'ils sont logés au sein du ménage, le droit de ne pas rester au sein du ménage pendant les périodes de repos journalier ou hebdomadaire ou de congés annuels, et le droit de garder en leur possession leurs documents de voyage et leurs pièces d'identité (Article 9). Lorsqu'ils sont logés au sein du ménage, le droit à des conditions de vie décentes qui respectent leur vie privée (Article 6)
  • le droit à un environnement de travail adéquat incluant un repos hebdomadaire d'au moins 24 heures consécutives (Article 10), un régime de salaire minimum (Article 11), un paiement en espèces, à intervalles réguliers et au moins une fois par mois (12), le droit à un environnement de travail sûr et salubre (13)
  • le droit d’être informés de leurs conditions d'emploi d'une manière appropriée, vérifiable et facilement compréhensible, de préférence, lorsque cela est possible, au moyen d'un contrat écrit conformément à la législation nationale ou aux conventions collectives (Article 7)
  • le droit de recevoir par écrit une offre d'emploi ou un contrat de travail exécutoire dans le pays où le travail sera effectué, énonçant les conditions d'emploi avant le passage des frontières nationales  (Article 8)
  • le droit à l’éducation et à une formation pour les travailleurs domestiques d'un âge inférieur à 18 ans (Article 4)

Deux cas de traite à des fins de servitude domestique sont exposés dans les encadrés 20 et 21.

Encadré 20

Cas de servitude domestique ARG066, Torrico Claros Y Vargas Ricaldez

Mme Cinthia Vargas a recruté la victime, une mineure âgée de 12 ans, en lui promettant de l’emmener en Argentine pour qu’elle étudie. Après l’avoir introduite illégalement dans le pays, sans documentation, et en la faisant passer pour sa fille, la défenderesse l’a exploitée, l’a forcée à travailler comme domestique, l’a maltraitée et ne lui a pas payé le salaire convenu. La victime vivait apparemment en Bolivie avec sa mère et ses frères et sœurs, et sa mère lui a donné la permission de partir en Argentine avec Mme Vargas (défenderesse) et son mari Fermin (défendeur). Le couple avait deux enfants, âgés de 5 ans et 1 an, et les défendeurs exigeaient que la victime s’occupe d’eux. Mme Vargas travaillait dans un magasin d’alimentation et ordonnait à la victime d’emmener les enfants à l’école, de laver leur linge à la main, de cuisiner et de nettoyer. Fermin l’avait maltraitée et s’était livré à des attouchements sur elle. 

Ils vivaient tous dans une même pièce, et partageaient le lit à cinq. L’accusée l’avait maltraitée, lui tirait les cheveux et la frappait avec une ceinture. Un jour, Fermin l’avait violée et cela l’avait incité à se confier aux voisins qui signalèrent le cas à la police. La victime ne pouvait pas écrire car elle n’était jamais allée à l’école. 

Mme Vargas présentait la victime à d’autres personnes comme étant sa nièce. Selon la déclaration de la mère de la victime, les défendeurs n’avaient pas de liens de parenté avec la victime. Le procureur général accusa Mme Vargas et Fermin l’infraction de traite des personnes commis contre une mineur (145 ter de la loi 26.364). Les facteurs aggravants incluaient l’intense vulnérabilité de la victime, la tromperie, la violence et l’intimidation. Le procureur général demanda une peine de 11 ans de prison pour Fermin et 10 ans pour Cinthia.

SHERLOC base de données jurisprudentielles sur la traite des personnes – Argentine
Encadré 21

Cas de servitude domestique USA 019 – Etats Unis v. Dann

Le citoyen des USA Mabelle de la Rosa Dann avait recruté une victime péruvienne P.C., pour qu’elle vienne aux USA et travaille comme bonne d’enfant et aide-ménagère en lui promettant qu’elle serait payée 600 $ par mois et qu’elle serait logée et nourrie gratuitement en contrepartie de cinq jours de travail par semaine durant les heures ouvrables. Mais lorsque P.C. arriva, Dann confisqua son passeport et refusa de la payer durant deux ans.  P.C. travaillait régulièrement de 6h à 21h, et il lui était interdit de communiquer avec d’autres personnes ou d’écouter la radio et la télévision en espagnol. A un moment donné, Dann déclara à P.C. qu’elle lui devait 13,000$ et qu’elle devait travailler pour rembourser sa dette. Dann exigea aussi que P.C. lui signe un document déclarant qu’elle avait reçu le salaire minimum. Les agents du service de l’immigration et des douanes trouvèrent ce document ainsi que les papiers d’identité et le passeport péruviens de P.C. dans un tiroir à vêtements de Dann. Durant le procès, Dann fit valoir que le témoignage de P.C. était biaisé car elle mentait pour obtenir un T-visa et rester aux Etats Unis, et que leur relation était semblable à celle de deux membres féminins d’une même famille. Le gouvernement, en revanche, présenta un cas où Dann était une femme qui recherchait un service domestique bon marché ou gratuit, qui avait exploité P.C. et qui la faisait vivre dans des conditions qui se rapprochaient de l’esclavage. La Cour d’appel signala qu’étant donné que Dann avait été condamnée, son histoire avait été jugée comme moins crédible par le jury. La Cour de circuit examina la condamnation pour travail forcé, car Dann avait fait valoir que sa relation avec P.C. l’éloignait du statut de travail forcé. A cet effet, la Cour considéra l’histoire législative de la TVPA (2000) et signala que “ l’histoire législative suggère que le Congrès, en adoptant la loi, visait des cas dans lesquels des personnes se trouvaient dans une situation de servitude par le biais d’une coercition non violente.'" (2011 WL 2937944, *8 (C.A.9 (Cal.)) (en citant la loi relative à la protection des victimes de la traite et de la violence de 2000 § 102(b)(13)). La Cour de circuit a également signalé que “les mauvaises relations entre des employeurs et des employés ou même les mauvaises relations entre un employeur et une bonne d’enfants immigrante ne constituent pas toutes des situation de travail forcé. . . . la menace de préjudice doit être grave ” et l’employeur doit avoir “donné à penser à la victime qu’elle subirait un grave préjudice –du point de vue de la victime– si elle ne continuait pas à travailler.” Conformément à la section 1589, le point essentiel selon la Cour n’est pas seulement que “la menace d’un préjudice grave a été faite mais que l’employeur ait tenté de faire croire à sa victime qu’elle souffrirait ce préjudice.” La Cour a tenu compte des menaces faites par Dann et a examiné si du point de vue de P.C., ces menaces étaient suffisamment graves pour l’obliger à rester avec Dann. La Cour a examiné si les menaces d’un préjudice financier, contre sa réputation ou en matière d’immigration, et la menace d’un préjudice contre les enfants de Dann auraient été suffisantes pour obliger une personne raisonnable se trouvant à la place de P.C. à rester avec Dann.

SHERLOC base de données jurisprudentielles sur la traite des personnes – U.S.A.
 

Recrutement et enrôlement forcés

Le recrutement ou l’enrôlement forcé de personnes dans des activités liées aux conflits armés peut aussi être une forme d’exploitation. En effet, les conflits armés peuvent augmenter considérablement le risque d’exploitation des personnes vulnérables. Pour plus d’informations sur les relations entre les conflits armés et la traite des personnes, voir le Module 7.

Encadré 22

Le recrutement des enfants soldats continue à augmenter dans le Soudan du Sud

John a été enlevé lorsqu’il était âgé de 15 ans. Il était l’un des 700 enfants recrutés par la force par le Mouvement de libération nationale du Soudan du Sud.  "Ils m’ont arrêté lorsque nous allions au jardin," a-t-il raconté à Al Jazeera. "La vie dans le bush était dure et si vous partiez, ils vous cherchaient jusqu’à ce qu’ils vous retrouvent et vous ramenaient de force. "La guerre civile dans le Soudan du Sud dure depuis cinq ans maintenant. Des millions de personnes ont été déplacées et tuées. La journée internationale contre l’utilisation d’enfants soldats a été célébrée lundi. Selon les NU, le nombre d’enfants recrutés au Soudan du sud continue à augmenter. Sarah, âgée de 13 ans, a également été enlevée par le Mouvement de libération nationale. "J’étais en train de travailler dans le jardin lorsque j’ai vu ces gens arriver et je suis partie en courant," dit-elle. "Ils m’ont dit de venir et m’ont demandé pourquoi je courais? Je me suis arrêtée et ils m’ont dit que si je courais ils me tireraient dessus, alors j’ai arrêté de courir."

Contre leur volonté

Les groupes de défense des droits disent que presque tous les groupes armés dans le plus jeune pays du monde ont recruté des enfants pour combattre. Jeudi, le Mouvement national de libération a libéré plus de 300 enfants à Yambio.  Le Brigadier Abel Matthew d’un groupe armé nie tout d’abord que les enfants soient enlevés contre leur volonté. "Ils n’étaient pas vraiment forcés mais les conditions à l’époque les ont obligés, ainsi que nous tous," dit-il à Al Jazeera. Près de 2000 enfants ont été démobilisés ces cinq dernières années mais ils ont été remplacés. Selon l’UNICEF, le nombre d’enfants soldats au Soudan du sud a augmenté depuis que la guerre a commencé en 2013, bien que toutes les parties au conflit aient déclaré à plusieurs reprises qu’ils avaient cessé de recruter des enfants et qu’ils avaient libéré ceux qui étaient déjà enrôlés.

Une forme de vie

De nombreux enfants qui avaient été libérés ne savaient pas où se trouvaient leurs familles. Pour d’autres, combattre était devenue une forme de vie. "La plus grande difficulté est la réinsertion," a confié Mahombo Mdoe de l’Unicef à Al Jazeera. "c’est un processus qui prend du temps, un enfant a besoin de deux ou trois ans pour retourner chez lui et se réinsérer. D’autres enfants doivent encore être libérés. "Notre véritable préoccupation est la réinsertion de ces enfants afin qu’ils ne soient pas à nouveau recrutés." John et Sarah disent ne pas vouloir retourner sur le champ de bataille. Mais ils craignent aussi ce qui les attend après leurs expériences passées, et se demandent s’ils vont être forcés à combattre de nouveau.

Le recrutement des enfants soldats continue à augmenter au Soudan du Sud (12 février 2018), Al-Jazeera (matériel audiovisuel disponible)
Encadré 23

Lien entre les conflits et la traite

Étant donné qu’ils [personnes forcées d’abandonner leurs pays dans des situations de conflit ou postérieures au conflit] partent souvent précipitamment, ils prennent des risques qu’ils refuseraient de prendre dans des circonstances normales. Les conflits affaiblissent souvent les structures publiques, éliminent les mesures de protection initiatives et permettent aux réseaux criminels d’opérer plus librement, y compris en franchissant les frontières.

Rapporteur spécial des NU chargé de la traite des personnes, Conférence internationale sur la traite des personnes en Afrique et en provenance d’Afrique (2016)
 

Activités criminelles forcées

La coercition exercée sur des personnes pour qu’elles se livrent à des activités criminelles peut représenter une autre forme d’exploitation. Les activités criminelles forcées sont des activités lucratives et à bas risque pour les trafiquants. Les cas où les enfants font l’objet de la traite à des fins de mendicité (qui est une activité illégale dans certains pays) ou de vol à la tire sont bien connus. Il y a des exemples de victimes qui ont été forcés à commettre des infractions plus graves, comme par exemple la fabrication et le trafic de stupéfiants. Les victimes sont souvent forcées à se livrer à divers types d’activités criminelles simultanément. 

Considérer les victimes de la traite comme des criminels discrédite fortement leur besoin de protection et peut créer une impunité des trafiquants. Cela exacerbe également les craintes existantes que peuvent ressentir les victimes envers les autorités et les services chargés de l’application de la loi, et les rend moins susceptibles de coopérer lors des enquêtes postérieures (lutte contre l’esclavage, 2014).

Les cas des enfants qui font l’objet de la traite à des fins d’exploitation de la mendicité forcée ou d’autres activités criminelles forcées sont souvent considérés comme des problèmes d’ordre public ou des infractions mineures contre les biens. Ce type de perception est extrêmement risqué car il augmente la probabilité que les victimes soient considérées comme des délinquants plutôt que comme des victimes. L’Union européenne a donc émis une directive qui oblige ses États membres à accorder aux procureurs et aux tribunaux le pouvoir discrétionnaire de ne pas poursuivre les cas où une personne a commis une infraction alors qu’elle victime de la traite: Commission européenne, Traite des enfants à des fins d’exploitation d’activités criminelles et de mendicité forcée (Octobre 2014); Article 8 de la Directive de l’UE concernant la prévention de la traite des êtres humains et la protection des victimes (Directive 2011/36/EU).

 

Pertinence du contexte national et culturel pour déterminer l’existence de l’exploitation

Il faut garder à l’esprit que les entretiens avec les intervenants ont confirmé que le contexte national et culturel (y compris la religion) est souvent essentiel pour déterminer si une situation spécifique est une forme d’exploitation liée à la traite. Ces facteurs semblent être particulièrement pertinents quand il s’agit de l’exploitation sexuelle et d’autres formes d’exploitation qui affectent particulièrement les femmes et les jeunes filles. Par exemple, dans les États où la prostitution est considérée comme une forme d’exploitation, il y aura une plus grande volonté de considérer les situations de prostitution comme indicatives ou prédictives de la traite à des fins d’exploitation sexuelle. Dans ces États l’exploitation sexuelle peut être considérée comme “pire” que d’autres formes d’exploitation. 

Dans certains États, le concept d’un “mariage forcé ou servile ” est contraire à la culture et à la tradition nationales, et les intervenants ont clairement précisé qu’il devrait y avoir des circonstances pour déclencher une enquête sur un mariage à des fins d’exploitation liées à la traite. Les considérations relatives au contexte spécifique et culturel peuvent également avoir une importance significative dans les cas qui affectent les hommes et les garçons. Les considérations relatives à la culture jouent également un rôle lorsqu’il s’agit de déterminer si d’autres formes de mariage (comme le mariage des enfants ou le mariage temporaire) revêt un caractère d'exploitation. 

La religion et l’appartenance ethnique peuvent aussi jouer un rôle lorsqu’il s’agit de déterminer si une pratique spécifique est une forme d’exploitation dans le contexte de la traite. Par exemple, dans un État, les intervenants ont signalé que les pratiques telles que le mariage des enfants et la mendicité des enfants pouvaient être vues de manière différente en fonction des antécédents ethniques des personnes impliquées. Ceci peut entraîner une sorte de discrimination inverse où l’exploitation qui ne serait pas tolérée au sein de la culture dominante est considérée plus acceptable lorsqu’elle implique des minorités ethniques spécifiques. Comme certains l’ont reconnu, l'exploitation des travailleurs migrants était considérée comme “normale” dans la culture nationale, au point que cette exploitation ne sera rapidement reconnue comme de la traite, notamment en comparaison avec les situations qui impliquent les ressortissants nationaux.

A quelques exceptions près, les intervenants confirment la nécessité de conserver une certaine flexibilité pour déterminer et comprendre l’exploitation liée à la traite. L’émergence de formes nouvelles ou de formes cachées d’exploitation, les changements de la méthodologie criminelle et une meilleure compréhension de la manière dont l’exploitation a lieu sont signalés comme des facteurs soulignant l’importance d’une approche de ce type. Toutefois il a également été signalé que (par beaucoup moins d’intervenants) une loi imprécise n’est pas une bonne loi: c’est-à-dire que les principes de base de la légalité et de la justice exigeaient que les infractions soient déterminées avec certitude. La question de savoir comment ces deux importants principes pouvaient être réconciliés n’a pas été traitée. (ONUDC, le concept de l’exploitation dans le Protocole contre la traite des personnes : document de travail (2015).)

 
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