La politique internationale en matière de drogues n'est pas une fin en soi, mais le moyen de faire passer la personne avant tout

Le Directeur exécutif de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime Yury Fedotov

8 Avril 2016-Margaret Thatcher, ancienne Première Ministre britannique, a eu un jour cette formule devenue célèbre: le consensus, c'est "l'abandon de toutes les convictions". Permettez-moi de m'inscrire en faux contre cette affirmation.

J'ai assisté tout dernièrement à Vienne, au petit matin, dans une salle de conférence bondée, à une course contre la montre à laquelle les pays se livraient pour s'accorder sur un document final concernant la politique en matière de drogues.

 Ce document est maintenant en route vers l'Assemblée générale des Nations Unies, qui tiendra en avril, à New York, une session extraordinaire consacrée au problème mondial de la drogue.

Avant la réunion de Vienne, toute une série d'autres forums tenus dans des capitales internationales avaient fait intervenir des scientifiques, des universitaires et des représentants de diverses organisations et de la société civile. Ce processus tout entier, conduit par les pays, a été ouvert, transparent et inclusif en ce qu'il a tenu compte de l'ensemble des données et enseignements qui avaient pu être tirés de l'expérience.

Les pays ayant des histoires, des cultures et des traditions différentes, parvenir à un accord sur un document de ce type n'a jamais été simple. Mais les Nations Unies ont toujours recherché la conciliation et l'entente.

 Et c'est indispensable. Il y a dans le monde quelque 27 millions de personnes dépendantes des drogues qu'elles consomment. Parmi elles, 12 millions pratiquent l'injection. La situation qui prévaut dans d'autres domaines est tout aussi grave.

 La production d'opium en Afghanistan est source de problèmes non seulement en Asie occidentale et centrale, mais aussi dans toutes les autres régions. Les nouvelles substances psychoactives qui s'avèrent mortelles, les ravages provoqués par l'héroïne bon marché en Amérique du Nord, l'augmentation de l'usage de cocaïne en Afrique de l'Ouest et de l'Est, tous ces phénomènes montrent qu'à l'échelle mondiale, les points critiques sont plus nombreux que les évolutions prometteuses.

 Sans parler de la violence généralisée qui va de pair avec les drogues illicites et qui frappe les pays et les communautés, en particulier en Amérique centrale. Les relations que les criminels, y compris les trafiquants de drogues, pourraient entretenir avec les terroristes sont aussi de plus en plus inquiétantes.

Produit au fil de plusieurs mois de négociations à haut niveau et de vastes débats, le document final qui a été adopté représente ce qui pouvait se faire de mieux pour apporter des solutions à ces problèmes alarmants. Il vise à ce que les beaux discours soient traduits en actes courageux susceptibles de changer des vies dans le bon sens.

Comme cela est souligné dans le document, les conventions internationales relatives au contrôle des drogues offrent la souplesse voulue pour s'attaquer à l'usage et à l'abus de drogues.

Ce que cela signifie d'un point de vue pratique? Qu'il faut réfléchir à des solutions de substitution à l'incarcération en cas d'infraction mineure de détention, et qu'il faut veiller à ce que les drogues nécessaires à des fins médicales soient accessibles.

 Le document fait une place tout aussi importante à la promotion de la santé, notamment à la lutte contre le VIH, l'action menée à cet égard devant s'inscrire dans le cadre d'une approche globale et équilibrée propice également à une répression plus efficace de l'offre illicite de drogues.

En arrière-plan, l'intention est toutefois bien plus fondamentale: il s'agit de donner acte du fait que nos politiques sont au service des populations et des communautés. Que nous devons faire passer la personne avant tout.

Le véritable public auquel s'adresse le document, ce sont les enfants qu'on incite à se droguer, les femmes vulnérables qui n'ont d'autre choix que de devenir passeur et les paysans appauvris qui cultivent des plantes illicites et cherchent de nouveaux moyens de subsistance.

Les négociations qui se déroulent en salle de conférence ne sont pas une fin en soi, elles sont le moyen d'agir. Tout ce qui entoure la session extraordinaire de l'Assemblée générale a beaucoup à voir avec la vie réelle des gens. Il ne faudrait pas l'oublier.

L'un des grands principes sur lesquels reposent les conventions internationales relatives au contrôle des drogues est la responsabilité partagée. Aucun pays ne peut résoudre seul ce problème, aucun pays ne peut s'épargner la recherche de solutions.

Le document final qui sera présenté à New York découle directement de ce principe; c'est une déclaration qui, alors qu'il est difficile de satisfaire tout le monde, met en avant la coopération et le partenariat. Le monde a tout à gagner à une telle unanimité.

 Le consensus n'est peut-être pas toujours séduisant, mais c'est le meilleur moyen de combattre une menace d'envergure mondiale face à laquelle l'unité d'action est une nécessité impérieuse.

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Pour Plus d'Informations:

United Nations General Assembly Special Session on the world drug problem (UNGASS 2016)

Side events during UNGASS 2016