La justice pendant et après une période de pandémie

Hanne Juncher

Hanne Juncher est la directrice du Service de la coopération judiciaire et juridique de la Direction générale Droits de l'homme et État de droit du Conseil de l'Europe. Veuillez noter que toutes les opinions exprimées dans cet article sont les opinions d'auteur, qui est un expert externe, et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC). 

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Les secteurs de la justice dans les États membres du Conseil de l'Europe ont été profondément affectés par la pandémie de COVID-19. Des dispositions spéciales ont été introduites dans la plupart des systèmes afin de respecter la nécessité d'une distanciation sociale, tout en assurant un service minimal pour les procédures dont le report aurait des conséquences particulièrement néfastes. C'est le cas notamment en ce qui concerne les enfants, leur garde, la violence domestique et la détention. Cette réactivité est à saluer.

Les États ont, à juste titre, priorisé tous les sujets ayant trait à leurs systèmes de santé et à leurs économies. Ces démarches devraient être accompagnées par une prise de conscience de l'importance d'assurer l'accès à la justice - de continuer de trancher des litiges de manière équitable et dans un délai raisonnable, de respecter les droits des personnes et d'identifier et sanctionner les abus. Les États doivent préférer être proactifs face aux conséquences de la pandémie pour leurs systèmes judiciaires. Ils doivent par ailleurs prendre en compte les solutions à court terme, mais aussi celles à long terme. Les restrictions qui étaient nécessaires pendant cette période sans précédent devraient être levées en priorité. 1

Une fois que le fonctionnement normal des tribunaux aura repris, partiellement ou complètement, des mesures pourront être prises pour s'assurer que les retards accumulés soient traités, tout en respectant toutes les garanties procédurales. Les États pourront être amenés à allouer des ressources supplémentaires afin d'octroyer au pouvoir judiciaire les capacités nécessaires. Les États dans lesquels des réformes judiciaires étaient en cours (avant la pandémie) vont être confrontés à des défis encore plus importants pour garantir qu'ils sont capables de gérer leur charge de travail habituelle, ainsi que celle résultant de la réduction de leur baisse de productivité pendant les périodes de quarantaine ou de confinement. Dans les systèmes ayant un nombre élevé de postes vacants de juges et de procureurs, l'accès à la justice risque d'être affecté encore plus négativement.

La Commission européenne pour l'efficacité de la justice du Conseil de l'Europe ( CEPEJ) a publié une série d'outils et de lignes directrices concernant l'optimisation de la performance des tribunaux, le traitement des retards dans les tribunaux, la gestion des délais pour différents types d'affaires, le passage à la cyberjustice et la prise en compte des points de vue des utilisateurs et utilisatrices des systèmes de justice et des tribunaux. Ces ressources seront particulièrement pertinentes lorsqu'il s'agira de rouvrir tous les tribunaux et de rétablir un fonctionnement normal, que les affaires soient urgentes ou non, et qu'elles aient lieu en présentiel ou virtuellement.

Le Conseil de l'Europe, y compris la CEPEJ, se réjouit de travailler avec nos États membres et leurs institutions pour aider à trouver et à mettre en œuvre des solutions aux défis mentionnés ci-dessus et à toutes les autres difficultés auxquelles les États Membres peuvent être confrontés afin de tenir leurs engagements dans le domaine de la justice.

Pour mener à bien cette mission, la CEPEJ a créé un blog qui vise à partager et à comparer les expériences et les pratiques dans le domaine de l'organisation d'urgence des opérations des tribunaux. Il vise ainsi à aider les États membres du Conseil de l'Europe à mieux concevoir des mesures d'urgence et à répondre de manière adéquate aux défis actuels.

 

 

[1] Voir aussi «  Respecter la démocratie, l'État de droit et les droits de l'homme dans le cadre de la crise sanitaire du COVID 19 - Une boîte à outils pour les États Membres », publié par la Secrétaire  générale du Conseil de l'Europe le 7 avril 2020.