Au milieu de la pandémie de COVID-19, la traite des personnes est « plus proche de la vie de chacun »

© Yasser Rezahi

Vienne (Autriche), 3 février 2021 — « La traite des personnes est beaucoup plus proche de la vie chacun et il est possible de ne pas se rendre compte que l’on a eu recours à des services relevant de l’exploitation », a déclaré Angela Me, Chef de la branche de recherche et analyse des tendances de l’ONUDC, lors du point de presse sur le Rapport mondial sur la traite des personnes 2020 de l’ONUDC cette semaine.

Le Rapport couvre 148 pays et donne un aperçu des tendances et des flux de la traite des personnes aux niveaux mondial, régional et national. Au cours de quatre chapitres thématiques, la publication détaille les menaces complexes liées aux conditions socio-économiques, comme l’extrême pauvreté, le chômage et les normes sociales, que la pandémie de COVID-19 accroît en même temps que le nombre de victimes de la traite des personnes.

Le Rapport montre qu’au cours de 2016 à 2018, la proportion de femmes adultes parmi les victimes détectées a baissé de plus de 70 pour cent à moins de 50 pour cent, tandis que la proportion d’hommes adultes a presque doublé, passant d’environ 10 pour cent à 20 pour cent. Toutefois c’est l’augmentation de la proportion d’enfants qui est la plus alarmante : les données indiquent une augmentation d’environ 10 pour cent à plus de 30 pour cent. La part des garçons, qui sont plus vulnérables à la traite à des fins de travail forcé, est passé de 3 à 15 pour cent dans ce segment. Le reste est constitué de filles, dont 19 pour cent sont principalement victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle.

Mme Angela Me s’est montrée très préoccupée par cette augmentation dramatique du nombre d’enfants parmi les victimes, en indiquant les causes profondes. « Des pratiques culturelles largement acceptées dans certains pays sont l’élément commun rendant les enfants plus vulnérables à la traite, par exemple le fait d’envoyer les enfants loin de leur famille, même quand ils sont relativement jeunes, pour qu’ils soient pris en charge par des proches ou amis de famille vivant en ville. Ce sont dans ces situations où les enfants se retrouvent le plus exposés, car les membres de la famille peuvent s’avérer être des trafiquants. »

Le rapport met en évidence une autre cause dangereuse qui est de plus en plus prédominante : le travail des enfants. C’est particulièrement le cas dans les pays à faible revenu, où les enfants représentent la moitié des victimes détectées - notamment en Afrique de l’Ouest, en Asie du Sud, en Amérique Centrale et dans les Caraïbes - en raison du taux élevé du chômage et de l’extrême pauvreté.

Le rapport consacre un chapitre entier à une autre tendance de la traite des personnes : l'utilisation d'Internet pour perpétrer ce crime. Alors que la pandémie de COVID-19 continue de favoriser la transformation numérique à travers le monde, les trafiquants ont adapté des stratégies prédatrices de « chasse » (hunting). Ils sont désormais en mesure de cibler un plus grand nombre de victimes dans le monde entier - y compris des femmes et des enfants - en utilisant principalement les réseaux sociaux et les sites de recrutement. Cette tendance doit attirer notre attention sur le risque croissant que les enfants soient des victimes potentielles d’actes criminels sur les réseaux sociaux et nécessite des solutions urgentes pour les protéger.

.En outre, le rapport souligne la vulnérabilité croissante des jeunes filles face à l’exploitation sexuelle, en particulier en Amérique Centrale où plus de 40 pour cent des victimes sont des filles exploitées sexuellement, en raison des multiples formes de stéréotypes sexistes, de violence de genre et de la pauvreté extrême dans la région. 

« Selon la Banque Mondiale, jusqu’à 164 millions de personnes ont sombré dans l’extrême pauvreté en 2020, les femmes étant plus susceptibles de perdre leur emploi que les hommes pendant la pandémie », a déclaré Ghada Waly, Directrice exécutive de l’ONUDC, lors du lancement de la publication. « Je suis confiante que le Rapport mondial sur la traite des personnes de l’ONUDC peut fournir une base solide pour des approches axées sur les victimes et sensibles au genre et à l’âge pouvant être pleinement intégrées dans les réponses globales à la pandémie, afin de construire des sociétés plus fortes et plus résilientes où personne n'est laissé de côté », a-t-elle ajouté.

Compte tenu des conclusions du rapport, et afin de lutter contre la traite des personnes dans le monde entier, Angela Me a insisté sur l’importance d’aborder le problème non seulement en tant que crime nécessitant une réponse du système de justice pénale, mais également de manière globale et multifactorielle. Elle a rappelé à l’auditoire que l'élaboration d’une solution intégrale comprend plusieurs facteurs : la prestation de services sociaux, le renforcement du système éducatif et la diffusion d’informations pertinentes à travers des campagnes de sensibilisation. Seule une approche concertée peut protéger les victimes potentielles et garantir le droit de chacun de vivre à l’abri de toute forme de traite des personnes.

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