Ce module est une ressource pour les enseignants 

 

Faibles niveaux actuels de poursuites et de condamnations

 

Malgré le rôle important joué par les systèmes de justice pénale dans la prévention et la lutte contre la traite des personnes, la communauté internationale n'a guère réussi à réduire sensiblement ces infractions. A titre d'illustration :

  • Seule une petite fraction du pourcentage de délinquants est traduite en justice. Le Rapport mondial sur la traite des personnes de 2016 de l’ONUDC montre qu'entre 2012 et 2014, seuls 6 800 trafiquants ont été condamnés dans le monde et que seuls quatre pays sur dix ont déclaré avoir eu dix condamnations ou plus annuellement, avec près de 15% n'ayant aucune condamnation. Le Rapport du Département d'État américain (2018) sur la traite des personnes indique qu'en 2017, seuls 17 880 délinquants ont été poursuivis dans le monde entier et, de ce nombre, seulement 7 045 ont été condamnés (contre 9 072 l'année précédente). Bien qu'aucune organisation n'ait publié d'estimation du nombre de trafiquants opérant à quelque moment que ce soit, il est raisonnable de supposer que la majorité ne sont ni appréhendés ni poursuivis. 
  • Plusieurs organisations ont recueilli des données sur la traite des personnes et les phénomènes connexes, tels que le travail forcé (voir, par exemple, l'étude sur l'estimation des systèmes multiples réalisée pour l'ONUDC et le Counter Trafficking Data Collaborative, une initiative de l'OIM). Il ressort de l'analyse de ces données que seul un faible pourcentage des victimes est identifié. Par exemple, on estime que de 21 à 45 millions de personnes sont en situation de travail forcé. Dans ce contexte, 63 251 victimes de la traite ont été identifiées dans 103 pays entre 2012 et 2015. S'il convient de noter que ces chiffres ne sont pas directement comparables, car toutes les victimes du travail forcé n'ont pas été victimes de la traite, cet écart important met néanmoins en évidence des lacunes dans l'identification. 

De même, le Rapport du Département d'État américain (2018) sur la traite des personnes a révélé que seulement 100 409 victimes (environ 0,5 % de l'estimation la plus basse des 21 millions de personnes en situation de travail forcé) ont été identifiées par la communauté anti-traite en 2017; elles n'ont pas toutes été libérées ou réintégrées avec succès dans leurs communautés. Beaucoup ont risqué ou risquent toujours de faire à nouveau l'objet de trafic. D'autres continuent de souffrir de traumatismes physiques, mentaux et relationnels, de difficultés économiques, de la honte et de la discrimination dont elles sont victimes dans leur communauté.

  • En outre, comme l'a noté le Groupe de coordination inter institutions contre la traite des personnes (ICAT) (2016, p. 44 à 45), les poursuites visent de manière disproportionnée les criminels de bas niveau, dont la plupart sont facilement remplacés par des syndicats du crime. Les membres supérieurs de ces syndicats restent dans l'ombre et opèrent en toute impunité, et leurs activités criminelles se poursuivent sans entrave par l'arrestation de membres de leurs rangs subalternes.

Dans ce contexte, et malgré les efforts déployés par les États pour poursuivre les trafiquants, il n'est pas surprenant que le crime de traite des personnes augmente. Dans le contexte d'échec persistant à faire reculer significativement la traite, Harkins (2017) met en doute certains aspects des approches actuelles du droit criminel et les preuves sur lesquelles elles sont fondées. Il note que de nombreux États ne recueillent pas suffisamment de données pour justifier l'efficacité des réponses de la justice pénale, déclarant qu'"il est frappant de constater que si peu de fonds aient été affectés à l'essai de l'hypothèse fondamentale que des poursuites efficaces des délinquants constituent une dissuasion efficace contre la traite" (p. 4).

Lors de la 72e Réunion de l'Assemblée Générale des Nations Unies en Septembre 2017, 37 États Membres et Observateurs ont approuvé un document intitulé Un appel à l'action pour mettre fin au travail forcé, à l'esclavage moderne et à la traite des personnes. L'échéance de 2030 a été fixée pour ce faire. Bien qu'il s'agisse d'un objectif louable, il échouera inévitablement si les progrès réalisés à ce jour se poursuivent sur leur trajectoire actuelle. Néanmoins, les États Membres ont publié une déclaration politique réaffirmant leur attachement à la mise en œuvre du Plan d'action mondial des Nations Unies contre la traite des personnes. La déclaration comprenait, entre autres, des engagements pour:

  • Prendre des mesures concertées décisives pour mettre fin à la traite ;
  • s'attaquer aux facteurs sociaux, économiques, culturels, politiques et autres qui rendent les personnes vulnérables à la traite ; et
  • Intensifier leurs efforts pour prévenir et remédier à la demande qui favorise la traite.
 
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