Press Release

"La criminalité organisée, une menace mondiale pour la sécurité"

Un nouveau rapport de l'UNODC montre comment, par la violence et la corruption, les
marchés criminels internationaux sont devenus de véritables centres de pouvoir

VIENNE, le 17 juin (Service de l'information de l'ONU) - M. Antonio Maria Costa, Directeur
exécutif de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC) a déclaré, lors du
lancement d'un nouveau rapport de l'Office concernant la mondialisation de la criminalité ("The
Globalization of Crime: A Transnational Organized Crime Threat Assessment"), que la criminalité
organisée s'était mondialisée et était devenue l'une des premières puissances économiques et
armées de la planète. Le rapport, lancé aujourd'hui au Conseil des relations extérieures à New York,
examine les principaux flux de trafic de drogues (cocaïne et héroïne), d'armes à feu, de produits de
contrefaçon, de ressources naturelles volées et de victimes de la traite à des fins de prostitution ou de
travail forcé, ainsi que de victimes du trafic de migrants. Il couvre également la piraterie maritime et la
cybercriminalité.

C'est pour donner suite aux préoccupations exprimées par des États Membres de l'ONU, le
Conseil de sécurité, le G8 et d'autres organisations internationales face à la menace posée par la
criminalité transnationale organisée, et à la nécessité de combattre ce fléau, qu'il a été décidé
d'établir ce rapport. Cette tâche n'était pas aisée, car les données existant dans ce domaine étaient
jusqu'à présent limitées et inégales. M. Costa a déclaré que, malgré les difficultés propres à toute
recherche sur la criminalité, l'UNODC avait réussi à mettre en évidence le pouvoir considérable et la
dimension mondiale des mafias internationales.

Le rapport montre à quel point les flux illicites ont des répercussions dans le monde entier.
"Aujourd'hui, le marché criminel a atteint une dimension planétaire: les marchandises illicites
proviennent d'un continent, transitent par un autre et sont vendues sur un troisième", a déclaré
M. Costa. "La criminalité transnationale est devenue une menace pour la paix et le développement,
voire pour la souveraineté des États", a averti le chef de l'UNODC. "Les criminels ont recours aux
armes et à la violence, mais aussi à l'argent et aux pots-de-vin pour acheter les élections, les
politiciens, le pouvoir et même l'armée", a-t-il poursuivi. La menace pesant sur la gouvernance et la
stabilité est analysée dans un chapitre consacré aux régions menacées ("Regions under Stress").

Le rapport de l'UNODC comprend un certain nombre de cartes et de diagrammes évocateurs, qui
illustrent les flux illicites et les marchés correspondants. "Les commerces illicites concernent tous les
grands pays, aussi bien ceux du G8 que ceux du BRIC, ainsi que les puissances régionales. Les
premières économies du monde étant également les premiers débouchés du commerce illicite, je
demande à leurs dirigeants d'aider les Nations Unies à lutter plus efficacement contre la criminalité
organisée. Actuellement, on ne fait pas grand cas de ce fléau qui fait du tort à tout le monde, en
particulier aux pays pauvres incapables de se défendre", a indiqué M. Costa.

Les principales conclusions du rapport sont les suivantes:
• On estime à 140 000 le nombre de victimes de la traite des êtres humains aux fins de
l'exploitation sexuelle rien qu'en Europe, traite qui génère des revenus annuels bruts de
3 milliards de dollars pour les exploiteurs. "Dans le monde, il y a des millions d'esclaves
modernes qui sont vendus à un prix qui, en termes réels, n'a pas changé depuis des siècles", a
déclaré M. Costa.
• Les deux principaux flux de trafic de migrants vont de l'Afrique vers l'Europe et de l'Amérique
latine vers les États-Unis. De 2,5 à 3 millions de personnes font l'objet chaque année de ce trafic
entre l'Amérique latine et les États-Unis, qui rapporte 6,6 milliards de dollars aux trafiquants.
• L'Europe est le plus gros marché régional pour l'héroïne (20 milliards de dollars), et la Russie est
devenue le premier pays consommateur d'héroïne dans le monde (70 tonnes). "Les stupéfiants
tuent entre 30 000 et 40 000 jeunes Russes par an, soit le double du nombre de soldats de
l'Armée rouge tués pendant l'invasion de l'Afghanistan dans les années 1980", a indiqué
M. Costa.
• En Amérique du Nord, le marché de la cocaïne marque un repli suite à la baisse de la demande
et au renforcement des mesures de détection et de répression. De ce fait, une guerre de territoire
a éclaté entre les gangs de trafiquants, en particulier au Mexique, et de nouvelles routes de la
drogue sont apparues. "Depuis toute la côte atlantique de l'Amérique latine, la cocaïne est
expédiée en Europe via l'Afrique," a indiqué M. Costa. "Certains pays d'Afrique de l'Ouest
risquent de ne pas résister aux attaques qu'ils subissent."
• L'attention et les critiques se concentrent sur les principaux pays producteurs de drogues illicites,
tels que l'Afghanistan (opium) et la Colombie (coca), mais c'est dans les pays (riches) de
destination qu'est réalisée la plus grande partie des profits du commerce de la drogue. Par
exemple, le marché mondial de l'héroïne afghane est estimé à environ 55 milliards de dollars,
mais seulement 2,3 milliards de dollars, soit environ 5 %, reviennent aux agriculteurs, aux
négociants et aux insurgés afghans. Le marché de la cocaïne représente quant à lui 72 milliards
de dollars en Amérique du Nord et en Europe, mais quelque 70 % des profits sont réalisés par les
trafiquants de niveau intermédiaire dans les pays consommateurs et non dans la région andine.
• Le marché mondial des armes à feu illicites représenterait entre 170 et 320 millions de dollars par
an, soit 10 à 20 % du marché licite. Même si la contrebande d'armes est plutôt ponctuelle (c'està-
dire liée à des conflits particuliers), les quantités sont tellement importantes qu'elles peuvent
tuer autant que certaines pandémies.
• L'exploitation illégale des ressources naturelles et le trafic d'espèces de faune et de flore
sauvages en provenance d'Afrique et d'Asie du Sud-Est bouleversent des écosystèmes fragiles
et conduisent à l'extinction de certaines espèces. L'UNODC estime que les importations dans les
pays de l'Union européenne et en Chine de bois et de produits dérivés du bois illicites en
provenance d'Asie ont représenté environ 2,5 milliards de dollars en 2009.
• La quantité de produits contrefaits interceptés aux frontières européennes a été multipliée par 10
au cours des 10 dernières années et leur valeur représente plus de 10 milliards de dollars par an.
Jusqu'à la moitié des médicaments testés en Afrique et en Asie du Sud-Est sont contrefaits et de
mauvaise qualité, ce qui augmente les risques de maladies au lieu de les réduire.
• Le nombre d'actes de piraterie au large de la corne de l'Afrique a doublé l'année dernière
(passant de 111 en 2008 à 217 en 2009) et continue d'augmenter. Des pirates venus de l'un des
pays les plus pauvres de la planète, la Somalie, s'emparent de navires appartenant aux plus
riches pour obtenir une rançon, en dépit des patrouilles effectuées par les flottes les plus
puissantes du monde. Les rançons versées s'élèvent à plus de 100 millions de dollars par an,
mais seulement un quart de ce montant revient aux pirates, le reste allant à la criminalité
organisée.
• Plus de 1,5 million de personnes par an sont victimes d'usurpation d'identité, ce qui engendrerait
des pertes économiques estimées à 1 milliard de dollars. La cybercriminalité menace quant à elle
la sécurité des pays en s'attaquant aux réseaux électriques, au trafic aérien et aux installations
nucléaires.

Il ne s'agit là que de quelques exemples illustrant l'abondance de nouvelles informations qu'offre
le rapport de l'UNODC, dans lequel sont également proposées un certain nombre de mesures pour
faire face aux menaces que pose la mondialisation de la criminalité.
Selon M. Costa, il faut tout d'abord "déstabiliser les forces du marché" qui sont à l'origine de ces
formes de commerce illicite. "Le démantèlement des groupes criminels eux-mêmes s'est révélé
inefficace, étant donné que ceux qui sont arrêtés sont immédiatement remplacés", a-t-il dit. "L'action
répressive contre les groupes mafieux ne permettra pas de mettre un terme aux activités illicites si les
marchés sur lesquels ils s'appuient restent intacts, notamment les hordes de délinquants à col blanc
- avocats, comptables, agents immobiliers et banquiers - qui les protègent et blanchissent leurs
gains. L'expansion des marchés noirs est due autant à la cupidité des cols blancs qu'à celle des
groupes criminels organisés."

Le rapport insiste sur le fait que, la criminalité ayant pris une dimension mondiale, il ne suffit pas
de prendre des mesures au niveau national, qui ne font que déplacer le problème d'un pays vers un
autre, mais qu'il faut intervenir à l'échelle mondiale, en se fondant sur la Convention des Nations
Unies contre la criminalité transnationale organisée, adoptée à Palerme (Italie) en 2000. "La
criminalité s'est internationalisée plus rapidement que les politiques de détection et de répression et
la gouvernance mondiale", a indiqué M. Costa. "La Convention de Palerme vise précisément à
adopter des mesures internationales pour lutter contre ces menaces transnationales, mais elle ne
suscite souvent que peu d'intérêt", a-t-il dit. "Les États qui sont fermement déterminés à lutter contre
la mondialisation de la criminalité devraient encourager ceux qui ne l'ont pas encore fait à appliquer
pleinement la Convention."

M. Costa a également tenu à faire une distinction entre les pays qui ne sont pas disposés à lutter
contre la criminalité organisée et ceux qui ne sont pas en mesure de le faire et a donc demandé de
renforcer l'aide au développement et l'assistance technique pour réduire la vulnérabilité des pays
pauvres. "Si l'État ne parvient pas à offrir des services publics et à assurer la sécurité, ce sont les
réseaux criminels qui s'en chargent", a-t-il déclaré. "La réalisation des objectifs du Millénaire pour le
développement serait un remède efficace contre la criminalité, qui est quant à elle un obstacle au
développement", a-t-il ajouté. Il a également demandé d'accorder une attention accrue à la justice
pénale dans les opérations de consolidation et de maintien de la paix. "La criminalité étant une source
d'instabilité, la paix est le meilleur moyen de l'endiguer", a-t-il indiqué.

"Les délinquants sont motivés par le profit, c'est pourquoi nous devons nous attaquer à leur
argent", a déclaré M. Costa. "Nous devons accroître les risques et réduire les avantages qui
permettent à la main sanguinaire de la criminalité organisée de manipuler la main invisible de la
concurrence", a-t-il dit. Il s'est prononcé pour une application plus énergique de la Convention des
Nations Unies contre la corruption, l'adoption de mesures plus efficaces contre le blanchiment
d'argent et la restriction du secret bancaire.

 

Pour plus d'informations, veuillez contacter:
Walter Kemp
Porte-parole et rédacteur de discours, Office des Nations Unies contre la drogue et le crime
Portable: (+43-699) 1459-5629
Courriel: walter.kemp@unodc.org
La version intégrale du rapport est disponible (en anglais) sur papier
ou sur le site Web de l'UNODC à l'adresse: www.unodc.org