COMMUNIQUÉ DE PRESSE

mercredi 2 septembre 2009, 7 heures (GMT)

Le marché de l'opium afghan s'effondre, selon l'UNODC

La culture, la production et les prix reculent

Le Directeur exécutif de l'UNODC met en garde contre les cartels de la drogue afghans

Kaboul, 2 septembre (UNODC). Dans son enquête sur la production d'opium en Afghanistan pour 2009 (résumé) rendue publique ce jour à Kaboul, l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC) indique que le marché de l'opium afghan commence à s'effondrer. La culture a reculé de 22 %, la production de 10 % et les prix ont atteint leur plus bas niveau en 10 ans. Le nombre de provinces exemptes de pavot est passé de 18 à 20, et les saisies de drogues continuent d'augmenter, grâce au durcissement des opérations menées par les forces afghanes et de l'OTAN. "Dans le climat de pessimisme que suscite la situation en Afghanistan, ces résultats sont une bonne nouvelle et la preuve que des progrès sont possibles", a déclaré le Directeur exécutif de l'UNODC, Antonio Maria Costa.

La superficie cultivée est tombée à 123 000 hectares, contre 193 000 hectares en 2007. Cette année,
elle a reculé le plus dans la province de Helmand où elle a diminué d'un tiers, passant de 103 590
hectares en 2008 à 69 833 hectares. Ce retournement de situation spectaculaire dans l'une des
provinces les plus instables du pays s'explique par un ensemble efficace de mesures incitatives et
répressives: direction énergique du gouverneur; durcissement de la stratégie antidrogue; termes de
l'échange plus favorables pour les cultures licites; et lancement réussi de "zones de cultures
alimentaires" pour encourager l'agriculture licite.

La production d'opium en Afghanistan, qui a diminué de 10 % pour s'établir à 6 900 tonnes, n'a pas
reculé de manière aussi spectaculaire que la culture, la quantité d'opium extraite par bulbe étant
plus importante. Cette année, le pavot afghan a produit 56 kg d'opium par hectare, soit 15 % de plus
qu'en 2008 et cinq fois plus que le rendement obtenu dans le Triangle d'Or en Asie du Sud-Est
(10 kg/ha).

La demande mondiale d'opiacés reste stable, aux alentours de 5 000 tonnes, chiffre inférieur de
plusieurs milliers de tonnes à la production annuelle afghane. Les prix ne s'effondrent pas pour
autant, ce qui laisse penser que de grandes quantités d'opium ne sont pas introduites dans le marché.
"Aujourd'hui, les stocks d'opium illicite dépassent probablement les 10 000 tonnes, ce qui suffit
pour couvrir la demande illicite mondiale (d'héroïne) pour deux ans, ou les besoins médicaux (en
morphine) pour trois ans", déclare M. Costa. "Où sont-ils, qui les stocke, et pour quelles raisons?
Les services de renseignement devraient désamorcer la bombe à retardement que constituent les
stocks d'opium, avant qu'ils ne donnent lieu à des scénarios potentiellement dangereux", a averti
M. Costa.

En raison de la surproduction à la source (en Afghanistan) et d'une pénétration plus faible du
marché (en Europe), les prix de l'opium baissent. Les prix de gros (à la production) ont diminué
d'un tiers l'année dernière en Afghanistan, passant de 70 à 48 dollars le kilogramme pour l'opium
frais, et de 95 à 64 dollars le kilogramme pour l'opium sec. Les prix n'y ont pas été aussi bas depuis
la fin des années 1990, lorsque les Taliban étaient au pouvoir.

Cette année, les cultivateurs de pavot à opium ont vu leurs revenus (bruts) par hectare se contracter
d'un quart, passant de 4 662 dollars par hectare en 2008 à 3 562 dollars. La chute des prix et la
baisse de la superficie cultivée cette année ont entraîné un recul de 40 % de la valeur totale de la
production d'opium en Afghanistan, qui s'est établie à 438 millions de dollars. Ce montant
représente 4 % du PIB (licite) du pays, contre 12 % en 2007 et 27 % (chiffre record) en 2002. Cette
année, 800 000 personnes de moins qu'en 2008 étaient impliquées dans la production d'opium.

Les forces afghanes et de l'OTAN ajoutent aujourd'hui à la pression engendrée par les forces du
marché. M. Costa a indiqué qu'elles s'attaquaient militairement à la relation, désormais établie,
entre drogues et insurrection. Jusqu'à une date récente, la répression s'était révélée largement
inefficace. Alors que 90 % de l'opium mondial vient d'Afghanistan, moins de 2 % est saisi dans le
pays (tandis que plus de 20 % de la production mondiale de cocaïne est saisie par son principal
producteur, la Colombie). Récemment, les opérations de lutte contre les stupéfiants se sont
multipliées et durcies. Au premier semestre de 2009, des opérations militaires ont permis de détruire
plus de 90 tonnes de précurseurs chimiques, 450 tonnes de graines, 50 tonnes d'opium, 7 tonnes de
morphine, 1,5 tonne d'héroïne, 19 tonnes de haschisch et 27 laboratoires. "Si ces opérations n'ont
cassé qu'une petite partie de l'économie afghane de la drogue, elles ont augmenté les risques liés au
trafic de drogues et créent un effet dissuasif pour l'avenir", a estimé le chef de l'UNODC.

Selon M. Costa, l'éradication reste un échec. Ces deux dernières années, seuls 10 000 hectares
d'opium (soit moins de 4 % de la superficie cultivée) ont été éradiqués, avec des coûts humains et
économiques considérables. M. Costa a demandé qu'un appui plus important soit fourni aux
cultivateurs. "Après les élections, l'action menée en faveur du développement rural doit être aussi
vigoureuse que l'offensive militaire actuelle, pour assurer aux paysans nourriture et travail, et pas
seulement pour rechercher et détruire leurs drogues" a-t-il déclaré.

Malgré les progrès récemment enregistrés, la drogue afghane continue d'avoir des conséquences
désastreuses. Elle finance des criminels, des insurgés et des terroristes, en Afghanistan et à
l'étranger. La collusion avec des fonctionnaires corrompus sape la confiance du public, la sécurité
et la loi. Le blanchiment d'argent ternit la réputation des banques dans le Golfe et dans d'autres
régions plus lointaines. La dépendance aux opiacés est un problème majeur en Afghanistan, en
République islamique d'Iran, en Asie centrale et en Russie.

"Le mariage de convenance entre insurgés et groupes criminels favorise la naissance de cartels de la
drogue en Afghanistan", a prévenu M. Costa. Comme dans d'autres parties du monde, notamment
en Colombie et au Myanmar, le trafic de drogues en Afghanistan, d'abord source de financement de
l'insurrection, est devenu une fin en soi. "L'argent de la drogue, c'est comme une drogue, et il
commence à prendre le pas sur l'idéologie", a dit M. Costa.

M. Costa a souhaité à nouveau que les trafiquants de drogues liés au terrorisme soient signalés au
Conseil de sécurité de l'ONU conformément à la résolution 1735. "Les seigneurs de la drogue
devraient être traduits en justice, et non exécutés en violation du droit international ou graciés par
opportunisme politique".

Le chef de l'UNODC a souligné qu'une approche régionale s'imposait pour lutter contre le
problème de l'opium en Afghanistan. "Certes, il convient de faire porter l'essentiel de l'action sur
l'Afghanistan et le Pakistan, mais il nous faut étendre nos efforts à la République islamique d'Iran
et à l'Asie centrale" a déclaré M. Costa. C'est pourquoi l'UNODC a aidé à élaborer une initiative
trilatérale entre l'Afghanistan, la République islamique d'Iran et le Pakistan pour l'échange de
renseignements antistupéfiants et la réalisation d'opérations conjointes. Il a également créé un
centre de renseignement pour l'Asie centrale à Almaty (Kazakhstan).

M. Costa a prévenu que la lutte contre la drogue en Afghanistan ne résoudrait pas tous les
problèmes du pays, mais que ceux-ci ne pourraient pas être résolus sans ce combat. "Il est encore
trop tôt pour dire si le recul de la culture et de la production d'opium observé ces deux dernières
années n'est qu'une correction de marché qui pourrait être inversée, ou une tendance à la baisse"
a-t-il déclaré. Mais il a souligné qu'il fallait renforcer la sécurité pour que de nouveaux progrès
soient possibles. "Comme jamais auparavant, le sort de la lutte contre la drogue et celui de la lutte
contre l'insurrection sont inextricablement liés", a-t-il estimé.

Le chef de l'UNODC a exhorté les autorités afghanes et la communauté internationale à maintenir
le cap et à renforcer l'aide économique ciblée et la lutte contre les stupéfiants. "Ce serait une erreur
historique de laisser ces progrès indéniables être réduits à néant, non pas dans les champs d'opium
de cultivateurs pauvres, mais dans les "champs de la mort" des auteurs d'attentats-suicides", a
déclaré M. Costa.

Le rapport peut être consulté dans son intégralité à l'adresse www.unodc.org.

Les prochains mois, l'UNODC publiera également les documents suivants:
- Évaluation de la menace liée au trafic d'opiacés en Afghanistan
- Enquête sur le cannabis en Afghanistan
- Enquête sur l'usage de drogues en Afghanistan
- Enquête sur la corruption en Afghanistan

Pour de plus amples informations, prière de contacter:
Walter Kemp, porte-parole et rédacteur de discours, UNODC
Téléphone: (+43-1) 26060-5629, portable: (+43-699) 1459-5629
Courriel: walter.kemp@unodc.org