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Recevabilité des preuves

 

Comme dans toutes les affaires pénales, les enquêtes et les poursuites relatives au trafic de migrants doivent être sensibles aux exigences de la procédure régulière et à leur impact sur la recevabilité des preuves. Les exemples ci-dessous illustrent des cas de trafic de migrants dans lesquels des preuves ont été déclarées irrecevables.

Encadré 16

Sentence 769/2013

FAITS

Le 17 septembre 2012, les services de sauvetage maritime de Carthagène (Espagne) ont détecté une petite embarcation impropre à la navigation au large de la côte de la ville. Les garde-côtes ont rapidement secouru l’embarcation, à bord duquel, outre les accusés, se trouvaient 14 migrants algériens. Le navire était parti la veille de la plage de Bouski Sidi Lakhdar, sur la côte de Mostaganem (Algérie), en direction de l'Espagne. Les accusés ont conduit le bateau. Les migrants ont payé environ 6 000 000 dinars chacun pour le voyage. Il a été établi que les accusés organisaient depuis plusieurs années des activités de trafic illicite de migrants afin de faciliter l’entrée illégale de ressortissants algériens en Espagne par voie maritime, dans le but d’obtenir un avantage financier ou un autre avantage matériel. En statuant sur l'affaire, le tribunal de première instance a notamment examiné les déclarations des migrants faisant l’objet du trafic présentées au cours de la phase préliminaire.

Les accusés ont été condamnés. La défense a interjeté un appel, arguant notamment de l'irrecevabilité des déclarations fournies par un témoin protégé qui n'assistait pas aux audiences. Il a affirmé qu'il n'y avait pas eu épuisement de tous les moyens pour assurer la présence du témoin au tribunal ou ses déclarations par vidéoconférence. La Cour suprême a rejeté l'appel.

RAISONNEMENT

La Cour suprême a souligné que les preuves préparatoires au procès, dûment documentées et obtenues conformément au principe du contradictoire, sont recevables devant un tribunal si des mesures raisonnables sont prises pour assurer la présence du témoin à l'audition (même si finalement cela est sans succès, comme dans la présente affaire). Les droits de l'accusé et les principes de procédure régulière ne seront pas violés si ces conditions sont remplies (par exemple, témoin interrogé en présence du Procureur, du juge d'instruction et du conseil de l'accusé). Si la Défense n'a pas interrogé le témoin au moment de l’audition préliminaire pour des raisons imputables à elle-même, elle ne pourra pas invoquer ultérieurement cet argument pour contester la recevabilité de la preuve préparatoire. Il est important de noter que la protection constitutionnelle fait référence à la possibilité d'exercer le contradictoire.

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Encadré 17

États-Unis d’Amérique v. N.B.L. et al

FAITS

Du 31 juillet 2000 au 31 décembre 2000, les accusés ont délibérément et sciemment, afin d’obtenir un avantage matériel ou financier, conspiré pour commettre diverses infractions, notamment engager des migrants en situation irrégulière, fournir de faux documents d’immigration, remplir de faux formulaires d’immigration et déclarer au Ministère du travail de Nebraska (États-Unis), que les faux numéros de sécurité sociale fournis par des migrants en situation irrégulière étaient authentiques. Les accusés ont en outre recruté des migrants et assuré leur transport. Les faits signalés par deux informateurs anonymes et un agent infiltré du Service de l'immigration et de la naturalisation (INS) avant le 5 décembre 2000 constituent le fondement factuel des actes manifestés. Le 5 décembre 2000, l'INS a exécuté des mandats de perquisition et mené une perquisition dans l'entreprise où les migrants étaient employés. L'INS a retrouvé et détenu plus de 200 migrants en situation irrégulière. Le nombre précis d'étrangers n'est pas clair car les registres du gouvernement n'étaient pas détaillés. Apparemment, comme cela revenait à plus de 11 000 USD par jour pour le gouvernement de retenir les migrants, les 6 et 7 décembre 2000, environ 152 migrants ont été expulsés des États-Unis. Dix-neuf autres migrants ont été placés en détention et envoyés à Dallas, au Texas (États-Unis), pour comparaître devant des juges de l'immigration. D'autres migrants- 30 -, selon l'estimation de l'INS - ont été libérés sur parole. Parmi les migrants libérés sur parole, au moins onze sont devenus des fugitifs. En fin de compte, l’INS a admis qu’au moins 181 migrants avaient été déportés ou «renvoyés volontairement». La localisation des autres est restée inconnue de l'INS.

Certains accusés ont présenté des demandes d’annulation de la mise en accusation en raison de la perte de preuves favorables et de preuves matérielles. Le juge a rendu une ordonnance interdisant au gouvernement d'utiliser au procès tout élément de preuve concernant les centaines de migrants en situation irrégulière expulsés du pays. Le procureur a présenté un appel contre cette ordonnance. Le tribunal du district de Nebraska a accueilli les requêtes des accusés, rejetant par conséquent les actes d’accusation. Le tribunal américain du district de Nebraska a accordé aux défendeurs une fin de non-recevoir contre les mises en accusation.

RAISONNEMENT

La Cour a notamment déterminé que l'assurance de la procédure obligatoire prévue par le sixième amendement et la garantie d'une procédure régulière prévue par le cinquième amendement interdisaient au gouvernement de saisir des migrants en situation irrégulière et de les expulser de ce pays lorsque le résultat de cette action est refusé aux défendeurs la présentation de preuves matérielles et favorables lorsque ces étrangers sont absents (États-Unis c. Valenzuela-Bernal, 1982).Notamment, «lorsqu'un témoin a été déporté avant un procès pénal, le défendeur peut démontrer un refus de procédure obligatoire et régulière exigeant le rejet de la mise en accusation s'il démontre de manière plausible que le témoignage des témoins expulsés aurait été substantiel et favorable à sa défense, de manière non cumulative avec les dépositions des témoins disponibles". (…)

Les défendeurs doivent prouver qu’il y a mauvaise foi pour obtenir le rejet de la mise en d'accusation. L’élément de mauvaise foi peut être prouvé de deux manières: montrer que le gouvernement: (i) s’est écarté des procédures d’expulsion normales, ou (ii) a expulsé les migrants en situation irrégulière pour obtenir un avantage tactique injuste sur le défendeur lors du procès. Compte tenu des faits, le gouvernement a fait preuve de mauvaise foi lors de l'expulsion des migrants en situation irrégulière détenus. (…)

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