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Thème no. 7. Rôles et responsabilités des prestataires d'assistance juridique et autres agents de la justice pénale

 

Les Principes et lignes directrices sur l’assistance juridique établissent une distinction entre « prestataire d’assistance juridique » et « prestataire de services d’assistance juridique ». La personne prestataire d'assistance juridique est celle qui fournit l'assistance juridique, par exemple une avocate ou un parajuriste. Le prestataire de services d’assistance juridique est l’organisme qui fournit l’assistance juridique et qui peut, par exemple, employer un ou une prestataire d’assistance juridique (Annexe, Introduction, paragraphe 9). Alors que les deux sont importants pour garantir l’accès à l’assistance juridique, le Thème no. 7 se concentre sur le rôle et les responsabilités des prestataires d’assistance juridique. Il aborde également, bien que brièvement, les rôles et les responsabilités d'autres agents de la justice pénale, notamment des agents de police.

Les Principes de base relatifs au rôle du barreau (Principes de La Havane), énoncent les devoirs et responsabilités des avocates et avocats en termes généraux aux Principes 13 à 15 :

  • conseiller leurs clientes et clients quant à leurs droits et obligations juridiques et quant au fonctionnement du système juridique, dans la mesure où cela a des incidences sur lesdits droits et obligations juridiques,
  • assister leurs clientes et clients par tous les moyens appropriés et prendre les mesures juridiques voulues pour préserver leurs intérêts,
  • chercher à faire respecter les droits de l'homme et les libertés fondamentales, et
  • toujours loyalement servir les intérêts de leurs clientes et clients. (Nations Unies, 1990)

Le rôle des avocates et avocats est souvent décrit, en particulier dans la littérature américaine, comme celui de «défenseure ou défenseur zélé(e) » et c’est cette image que reflètent, dans une certaine mesure, les Principes de La Havane. Cependant, dans la pratique, leur rôle est souvent circonscrit par les lois et réglementations nationales. Ainsi, le barreau a parfois des obligations non seulement envers sa cliente ou son client, mais aussi envers les tribunaux, les institutions judiciaires ou d'autres parties à la procédure. De telles limites et restrictions apparaissent également dans certains codes de déontologie publiés par les barreaux.

Dans certains pays, les limites réglementaires sont assez précises. Dans des pays tels que les Pays-Bas et la France par exemple, la réglementation restreint le droit d'intervenir d’une avocate présente lors de l’interrogatoires de son client par la police. Cependant, dans d’autres pays, comme en Angleterre et au Pays de Galles, des réglementations permettent expressément aux avocats d’intervenir dans des circonstances très variées. Ces différences s’expliquent en partie par les conceptions divergentes du rôle du barreau dans les systèmes accusatoire/contradictoire et inquisitoire, qui sont pertinentes non seulement au début du processus de justice pénale, mais tout au long de ce processus. Ainsi, le rôle de l'avocate ou de l’avocat de la défense au procès dans un système inquisitoire est très différent et plus limité que celui d'un avocat de la défense dans un procès contradictoire.

La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme a décrit plusieurs aspects du rôle de l’avocate ou de l’avocat, en plus de celui de conseil et d’assistance à sa cliente ou son client. Il s’agit notamment de garantir la légalité des mesures prises au cours de la procédure, de protéger le droit de la personne à ne pas s’auto-incriminer et de garder le silence, ainsi que de « contrôler » les conditions de détention de sa cliente ou de son client (voir, par exemple, CEDH, Salduz c. Turquie, No. 3639/10, 27 novembre 2008 et CEDH, Dayanan c. Turquie, No. 7377/03, 13 octobre 2009). 

Dans la directive sur le droit d'accès à un avocat (2013/48/EU) , l'UE s'est efforcée d'établir des normes minimales pour tous les États membres en ce qui concerne le rôle du barreau. L'article 3, paragraphe 1, dispose en termes généraux que "les suspects et les personnes poursuivies ont le droit de consulter un avocat en temps voulu, de manière à permettre aux personnes concernées d'exercer leurs droits de la défense de manière pratique et effective". L'article 3, paragraphe 3, de la directive énonce ensuite des exigences minimales, particulièrement pertinentes aux stades de l'enquête du processus de justice pénale :

Le droit d'accès à un avocat comporte les éléments suivants :

a) les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies aient le droit de rencontrer en privé l’avocat qui les représente et de communiquer avec lui, y compris avant qu’ils ne soient interrogés par la police ou par une autre autorité répressive ou judiciaire ;

b) les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies aient droit à la présence de leur avocat et à la participation effective de celui-ci à leur interrogatoire. Cette participation a lieu conformément aux procédures prévues par le droit national, à condition que celles-ci ne portent pas atteinte à l’exercice effectif et à l’essence même des droits concernés. Dans le cas où l’avocat participe à un interrogatoire, le fait que cette participation ait eu lieu est consigné conformément à la procédure de constatation prévue par le droit de l’État membre concerné ;

c) les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies aient droit au minimum à la présence de leur avocat lors des mesures d’enquête ou des mesures de collecte de preuves suivantes, lorsque ces mesures sont prévues par le droit national et si le suspect ou la personne poursuivie est tenu d’y assister ou autorisé à y assister :

i) séances d’identification des suspects ;

ii) confrontations ;

iii) reconstitutions de la scène d’un crime. (Parlement européen et Conseil de l’Union européenne, 2013).

Le Manuel sur l’accès immédiat comporte une description détaillée du rôle de l'avocate ou de l’avocat aux premières étapes du processus pénal  (ONUDC et PNUD, 2014). Ainsi on peut lire au chapitre 5, section B :

Le rôle des prestataires d’assistance juridique dans l’accès immédiat à l’assistance juridique est de protéger et de promouvoir les droits et les intérêts légitimes de leurs clients. Ce faisant, le prestataire d’assistance juridique doit :

  • Respecter loyalement et prendre toutes les mesures nécessaires pour promouvoir les intérêts de leurs clients, en tenant compte notamment de leur âge, de leur sexe, de leur nationalité ou de leur origine ethnique, de leur handicap mental ou physique ou de leur orientation sexuelle.
  • S'assurer que leurs clients connaissent et comprennent leurs droits
  • S'efforcer de faire en sorte que leurs clients soient traités avec dignité, que leurs droits fondamentaux soient respectés et qu'ils soient traités conformément à la loi.
  • Fournir des conseils et une assistance et, le cas échéant, une représentation à leurs clients, en tenant compte de leurs besoins particuliers et de toute vulnérabilité pertinente
  • S'assurer que les décisions de leurs clients sont respectées
  • Contester, de manière appropriée, tout traitement illégal ou injuste de leurs clients
  • S'efforcer de faire en sorte que les clients continuent de recevoir des conseils, de l'assistance et une représentation juridique jusqu'à ce que leur affaire soit définitivement réglée, y compris en appel.

Dans le système prévu par les Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique de la Commission Africaine des Droits de l’Homme, une avocates ou un avocat commis d’office doit : 

1. être qualifié pour représenter et défendre l’accusé ou la partie à une affaire civile ;

2. avoir une formation et une expérience correspondant à la nature et à la gravité de l’infraction en cause ; 

3. être libre d’exercer son jugement professionnel de manière indépendante, à l’abri de toute influence de l’État ou de l’instance juridictionnelle ; 

4. pouvoir plaider effectivement en faveur de l’accusé ou de la partie à une affaire civile ; 

5. être correctement rémunéré afin d’être incité à représenter l’accusé ou la partie à une affaire civile de manière adéquate et efficace.

f. Les associations professionnelles d’avocats doivent collaborer à l’organisation et à la fourniture des services, moyens et ressources pertinents et veiller à ce que : 

1. L’avocat commis d’office ait une expérience et des compétences suffisantes au vu de la nature de l’infraction ; 

2. Un accusé ou une partie à une affaire civile puisse bénéficier gratuitement, dans les affaires relatives à de graves violations de droits humains pour lesquelles une assistance judiciaire n’est pas prévue, des services d’un avocat ;

g. Compte tenu du fait que, dans de nombreux Etats, le nombre d’avocats qualifiés est faible, les Etats reconnaissent le rôle que les parajuristes peuvent jouer en matière de fourniture d’une assistance judiciaire et mettent en place le cadre juridique susceptible de leur permettre de fournir une assistance juridique de base.

h. Les Etats définissent, en collaboration avec les professions juridiques et les organisations non gouvernementales, la formation, les procédures de qualification et les Règles régissant les activités et ainsi que la conduite des parajuristes. Les Etats adoptent une législation pour offrir aux parajuristes la reconnaissance appropriée.

i. Les parajuristes fournissent une importante assistance judiciaire aux personnes les plus démunies, notamment dans les communautés rurales, et ils servent de lien avec les membres des professions juridiques.

j. Les organisations non gouvernementales sont encouragées à établir des programmes d’assistance judiciaire et à former les parajuristes.

k. Les Etats qui reconnaissent le rôle des parajuristes veillent à ce qu’ils jouissent des mêmes droits et facilités que les avocats, dans la mesure nécessaire pour leur permettre d’exercer leurs fonctions en toute indépendance (Union Africaine, 2003).

Dans plusieurs pays, des dispositions légales régissent les devoirs des juristes. En Gambie, par exemple, la loi de 2008 sur l’assistance juridique prévoit que « [une ou un] juriste, en ce qui concerne toute demande d’assistance juridique, toute affaire ou dossier qui lui est confié, doit fournir les informations et l’assistance requises par l’Agence à tout moment donné, y compris les informations requises en vertu des dispositions de l’article 37 » (Article 39).

L’indépendance est une question clé en ce qui concerne le rôle des prestataires d’assistance juridique. Les Principes de base relatifs au rôle du barreau (Principes de La Havane) prévoient que les gouvernements doivent veiller à ce que « les avocats a) puissent s'acquitter de toutes leurs fonctions professionnelles sans entrave, intimidation, harcèlement ni ingérence indue; b) puissent voyager et consulter leurs clients librement, dans le pays comme à l'étranger; et c) ne fassent pas l'objet, ni ne soient menacés de poursuites ou de sanctions économiques ou autres pour toutes mesures prises conformément à leurs obligations et normes professionnelles reconnues et à leur déontologie. » Ce Principe 16 est reflété par le Principe 12. En outre, les « avocats ne doivent pas être assimilés à leurs clients ou à la cause de leurs clients du fait de l'exercice de leurs fonctions. » (Principe 18).

Les Principes de La Havane et les Principes et lignes directrices sur l’assistance juridique traitent de dangers, qui ne sont pas moins importants pour être évidents, qui menacent l’indépendance des avocates et avocats et qui résultent de la commission ou de la menace d’actes « hostiles » à l’encontre des avocates et avocats. Leur indépendance peut cependant être menacée de manière moins directe, notamment s’agissant des juristes dont les services sont financés ou subventionnés par l’État. Le potentiel d’ingérence dans le travail des avocates et avocats de la défense est évident lorsqu’ils sont directement employés par l’État ou par des organismes publics, tels que des défenseurs publics. Cependant, ces questions se posent également s’agissant des conditions contractuelles applicables lorsque des avocates et avocats du secteur privé sont nommés ou mandatés pour fournir des services d’assistance juridique. En outre, cette indépendance peut être compromise par des mécanismes de contrôle de la qualité, surtout lorsqu’ils sont gérés ou mis en œuvre par des organismes publics ou les autorités responsables de l'assistance juridique (voir le Thème no. 8).

L’une des caractéristiques importantes de l’assistance juridique dans le contexte des systèmes de justice pénale est que l’accès à l’assistance juridique est souvent organisé à travers d’autres acteurs, tels que la police et d’autres services de maintien de l’ordre, le parquet, les tribunaux et les organismes chargés de la détention. Cela est d’autant plus vrai dans le cas des personnes placées en garde à vue ou d’autres formes de détention. Ce sont normalement la police ou autres agents du système de justice pénale qui, d’une part fournissent à ces personnes les informations utiles sur leur droit d’accès à l’assistance juridique, et d’autre part organisent cet accès plus ou moins rapidement et efficacement.

Les Principes et lignes directrices sur l’assistance juridique exigent des États qu’ils veillent à ce que les personnes soient informées de leur droit à l’assistance juridique et d’autres garanties procédurales avant tout interrogatoire et au moment de la privation de liberté (2013, Principes 3 et 8). La ligne directrice 2 contient des dispositions détaillées concernant le droit d’être informé sur l’assistance juridique, en responsabilisant, lorsqu’il convient de ce faire, les agents de police, le parquet, le personnel des tribunaux et des établissements dans lesquels des personnes sont incarcérées ou détenues.

La Ligne directrice 4 des Principes et lignes directrices sur l’assistance juridique dispose que les États doivent prendre des mesures pour que les autorités policières et judiciaires informent les suspects et les détenus, d’une manière correspondant aux besoins de la personne ayant besoin d’assistance juridique et dans une langue qu’elle comprend, de ses droits en matière de procédure, qu’elles ne restreignent pas de manière arbitraire le droit d’accès à l’assistance juridique et qu’elles facilitent cet accès pour les personnes détenues dans les postes de police et d’autres lieux de détention. Voir également les Lignes directrices 5 et 6 et, en ce qui concerne les victimes et les témoins, les Lignes directrices 7 et 8 respectivement (pour de plus amples informations, voir le Manuel sur l’accès immédiat, ONUDC et PNUD, 2014, chapitre VI).

En Angleterre et au pays de Galles, par exemple, les obligations incombant à la police sont définies en détail dans un code statutaire (voir : Police and Criminal Evidence Act, 1984, (en anglais), Code C, paragraphes 3.1, 3.2, 6.4 et 6.6 ; voir la Loi type de l’ONUDC, (ONUDC, 2017, article 30 et le commentaire correspondant).

 
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